Le chef rebelle kurde Abdullah Öcalan a réitéré samedi, à l'occasion du Nouvel An kurde, sa volonté de mettre un terme au conflit meurtrier engagé en 1984 par son mouvement contre le gouvernement turc, à moins de trois mois des élections législatives.

Dans un message lu devant plus de 200 000 personnes réunies dans la «capitale» du sud-est turc Diyarbakir, le fondateur du Parti des travailleurs des Kurdistan (PKK) a appelé son mouvement à tenir rapidement un congrès pour mettre fin à sa lutte armée, qui a fait quelque 40 000 morts.

«Nous devons répondre à l'appel de l'Histoire et organiser un congrès pour que la lutte armée menée depuis presque quarante ans par le PKK contre la République de Turquie prenne fin», a estimé M. Öcalan, lu par le député kurde Sirri Sureyya Önder.

«Notre combat (...) est arrivé à un point où il ne peut plus se poursuivre par les mêmes moyens. L'Histoire et notre peuple exigent une solution démocratique et la paix», a-t-il poursuivi, prônant l'adoption en Turquie d'une «nouvelle Constitution démocratique qui prenne en compte la liberté et l'égalité des citoyens».

Le chef rebelle n'a pas décrété la fin immédiate des hostilités mais le pouvoir islamo-conservateur d'Ankara a semblé s'en satisfaire. «Ce message est positif à tous points de vue», s'est réjoui le vice-premier ministre Bülent Arinç.

«Je suis sûr que nous réussirons, quoi qu'il arrive», a renchéri le chef du gouvernement Ahmet Davutoglu lors d'une réunion publique à Istanbul, «la haine, la culture de la haine, la violence et les armes doivent être définitivement enterrées».

Ankara a engagé à l'automne 2012 des négociations directes, via ses services de renseignement, avec le chef du PKK, qui purge une peine de réclusion à perpétuité sur l'île-prison d'Imrali, en mer de Marmara (nord-ouest).

Il y a deux ans jour pour jour, M. Öcalan, dans un premier message publié pour les festivités de Newroz, avait proclamé un cessez-le-feu unilatéral de ses troupes.

Tensions électorales 

Mais ce processus s'est ensuite rapidement englué, la rébellion reprochant de ne pas tenir ses promesses de réformes. Le PKK ne réclame plus l'indépendance mais une large autonomie pour les 15 millions de Kurdes de Turquie (20% de la population).

Les pourparlers ont même failli capoter en octobre, lorsque des milliers de jeunes Kurdes sont descendus dans les rues pour dénoncer le refus du gouvernement de voler au secours de la ville syrienne kurde de Kobané, alors assiégée par les jihadistes du groupe Etat islamique (EI). Ces émeutes ont fait des dizaines de morts.

Malgré les déclarations répétées d'Abdullah Öcalan, la voie vers un règlement définitif du conflit kurde reste encore encombrée de nombreux obstacles.

Un des principaux chefs militaires du PKK, Cemil Bayik, a exigé des mesures concrètes d'Ankara avant de faire taire formellement les armes. «D'abord une solution, ensuite le désarmement», a-t-il résumé depuis son quartier général du nord de l'Irak.

Le principal parti kurde de Turquie, le Parti démocratique du peuple (HDP), a également exigé du gouvernement l'abandon de sa loi controversée de «sécurité intérieure», destinée à renforcer les pouvoirs de la police après les émeutes d'octobre.

Le président Recep Tayyip Erdogan s'est démené pour pousser les feux de la paix avant les législatives du 7 juin. L'homme fort du pays souhaite s'attirer les faveurs de l'électorat kurde et arracher ainsi la majorité des deux tiers des députés indispensable à une réforme de la Constitution qui renforcerait ses pouvoirs de chef de l'État.

Mais, à l'approche du scrutin, il a été contraint de muscler son discours pour satisfaire ses partisans les plus nationalistes. «Il n'y a pas de problème kurde», a-t-il ainsi lancé il y a une semaine, suscitant la colère de la communauté kurde.

Le chef du Parti du mouvement nationaliste (MHP, droite), Devlet Bahçeli, n'en a pas moins accusé samedi le gouvernement de «trahison» pour s'être, selon lui, «mis d'accord avec le PKK pour diviser le pays».