La France a été épinglée mercredi par le Conseil de l'Europe pour n'avoir toujours pas interdit clairement toutes les formes de châtiments corporels sur les enfants, comme la fessée, contrairement à une majorité de ses voisins.

Le droit français «ne prévoit pas d'interdiction suffisamment claire, contraignante et précise», a tranché le Comité européen des droits sociaux (CEDS) de l'organisation paneuropéenne, distincte de l'Union européenne, dans une décision publiée mercredi et rendue à la demande d'une ONG britannique.

Si les violences graves sont interdites, une «incertitude subsiste quant à l'existence d'un ''droit de correction'' reconnu par la justice» française, ajoute-t-il dans sa décision, partiellement ébruitée dans la presse avant sa publication.

Ce flou dans le droit français constitue une «violation» de la Charte sociale européenne, aux yeux des experts du CEDS, gardiens attitrés de ce traité contraignant pour les États membres du Conseil de l'Europe l'ayant ratifié.

Par trois fois, ce même comité avait déjà constaté que le droit français violait la Charte depuis 2003. La décision de mercredi est toutefois la première découlant de la réclamation d'une ONG.

Pas de loi en vue 

Pour la secrétaire d'État française à la Famille, Laurence Rossignol, la France doit avoir «une réflexion collective» sur «l'utilité des punitions corporelles dans l'éducation des enfants». Mais «ça ne passera pas par la loi», a-t-elle dit dès lundi à l'AFP, pour ne pas «couper le pays en deux camps, ceux qui sont pour la fessée et ceux qui sont contre».

«Personne ici en France n'est pour le châtiment corporel», a réagi de son côté mercredi le porte-parole du gouvernement, Stéphane Le Foll, estimant qu'il n'y avait «pas là matière à avoir un débat» malgré le constat de violation notifié par le Conseil de l'Europe.

Au cours de la procédure qui a abouti à la décision du CEDS, le gouvernement français avait soutenu que sa législation protégeait suffisamment les enfants «contre l'usage de toute violence» et que le «droit de correction» des parents ou des enseignants tendait à disparaître de la jurisprudence.

Mais les experts du Conseil de l'Europe ont clairement tranché en faveur des arguments d'Approach, une ONG pour la protection des enfants basée à Londres, qui milite pour une interdiction sans exception des châtiments corporels.

L'association a mis en avant des décisions récentes de la justice française, qui ont réaffirmé au contraire, selon elle, le «droit de correction» controversé, notamment dans un cas en faveur d'une assistante maternelle.

À la différence des arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme qui peuvent prévoir une indemnisation des victimes, la procédure devant le CEDS ne prévoit pas de sanction financière en cas de violation constatée, mais la France est tenue de se conformer à ses décisions.

Le Comité des ministres, instance de décision du Conseil de l'Europe, doit maintenant adresser d'éventuelles recommandations à Paris.

Ce nouveau coup de semonce apporte de l'eau au moulin des détracteurs de la fessée en France, qui nient toute valeur éducative à une pratique relevant, selon eux, du passé.

«Il est temps que la France respecte ses engagements internationaux», a jugé mercredi Unicef France.

Une proposition de loi d'interdiction avait été déposée en 2010, mais n'avait pas eu de suite.

En 2013, le sujet avait fait l'objet d'un vif débat lorsqu'un père de famille avait écopé d'une amende de 500 euros pour une fessée à son fils de 9 ans: certains avaient alors applaudi, tandis que d'autres avaient dénoncé une sanction disproportionnée.

Puis en mai 2014, un amendement anti-fessée avait été proposé par les députés écologistes à l'occasion du débat parlementaire sur la loi sur la famille, avant d'être retiré.

D'autres pays visés 

Dans le sillage de la Suède, pionnière en la matière, 27 des 47 pays du Conseil de l'Europe ont adopté à ce jour une législation interdisant les châtiments aux enfants en toutes circonstances, sans marge d'appréciation pour les juges.

L'ONG Approach vise d'autres pays que la France et a déposé des réclamations contre la Belgique, la République tchèque, la Slovénie, l'Italie et l'Irlande. Des décisions sont attendues fin mai au Conseil de l'Europe.

En se prononçant il y a moins d'un mois en faveur de la fessée dans le cadre familial, le pape François s'était attiré de vives critiques en Europe, notamment de la part de la ministre allemande de la Famille et d'associations britanniques.