Sur la petite île italienne de Lampedusa, la plus proche des côtes africaines, le centre d'accueil temporaire est débordé par les centaines de migrants arrivés ces derniers jours, annonciateurs d'une «saison des trafics» explosive.

Au moins 3800 migrants africains partis de Libye ont été secourus en mer Méditerranée depuis vendredi, ce qui dépasse déjà largement le total du mois de février 2014, une année pourtant record, selon le décompte de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM).

Une partie de ces migrants ont été conduits à Lampedusa, où se trouvaient encore la plupart des survivants de la tempête qui a coûté la vie à plus de 330 migrants la semaine dernière, disparus en mer ou morts de froid.

Mardi matin, le centre d'accueil de la petite île accueillait environ 1200 personnes - le triple de sa capacité -, dont 200 mineurs et une centaine de femmes.

«Cette surpopulation créée de nombreux problèmes, parce qu'il n'est pas possible de garantir l'assistance nécessaire aux personnes qui arrivent - vêtements secs, nourriture, eau, cartes téléphoniques, soutien psychologique», a expliqué à l'AFP Federico Rossi, un porte-parole du Haut-commissariat de l'ONU aux réfugiés (HCR).

«Il n'est pas non plus possible de séparer les hommes des femmes et des enfants, ni d'isoler les personnes atteintes de gale», a-t-il ajouté.

Le centre de Lampedusa est conçu pour les situations d'urgence, avant une évacuation vers les centaines de centres d'accueil établis sur tout le territoire italien. Mais lundi soir, alors même qu'un avion militaire évacuait plus d'une centaine de migrants, quelque 260 autres débarquaient...

Sur place, le centre était en proie à une forte agitation, avec même des mouvements de foule et des débuts de bagarres au moment de la distribution des repas, selon des journalistes de l'AFP.

Devant le centre, des habitants de l'île ont déposé des fleurs en hommage aux victimes de la semaine dernière, tandis qu'un ballet d'ambulances témoignait de l'état de faiblesse de certains rescapés.



«Fatigués»

Derrière les grilles, des migrants réclamaient des cigarettes aux journalistes, et les plus jeunes se hasardaient à essayer d'emprunter un téléphone pour contacter leur famille.

«Là on est fatigués. Depuis le nord du Mali jusqu'à maintenant, il y a eu des problèmes», a raconté Adam, un migrant malien.

Joel Millman, porte-parole de l'OIM à Genève, s'est inquiété de voir «la saison des trafics» démarrer si fort et si tôt, évoquant «beaucoup, beaucoup de spéculation sur les raisons».

«Les bénéfices (...) en sont certainement une, mais la situation échappe tellement à tout contrôle en Libye maintenant que même les bandes de passeurs craignent de ne pas pouvoir tenir indéfiniment leur stock - si je peux m'exprimer ainsi -, alors ils ont commencé à faire place nette», a-t-il expliqué.

«En Libye, les gens sont comme des vampires. Ils n'aiment pas les noirs. Quand ils voient des noirs, ils voudraient leur tirer dessus. Ils sont en train de tuer beaucoup de personnes, c'est pour ça que tout le monde fuit vers la mer», a expliqué à l'AFP un migrant nigérien arrivé à Lampedusa.

Après avoir appelé lundi l'Union européenne à plus de solidarité face à ce défi, le ministre italien des Affaires étrangères Paolo Gentiloni a reçu mardi à Rome son homologue maltais pour faire le point sur la situation.

Adrian Edwards, porte-parole du Haut-commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR), a rappelé que ce trafic était particulièrement rentable, puisque les migrants arrivés ces derniers jours ont dit avoir payé leur passage entre 500 à 1000 $.

«Avec une centaine de personnes par bateau, on parle de 50 000 à 100 000 $», a-t-il expliqué.

«Nous avons des informations venant d'Afrique subsaharienne et de la corne de l'Afrique selon lesquelles les réseaux de passeurs se sont renforcés», a-t-il ajouté. «C'est un problème bien plus vaste que ce que nous voyons en Méditerranée, ou juste en Libye. C'est très vaste et très inquiétant».