«Je vis avec l'espoir, la Grèce dispose d'une voix nouvelle, ça fait du bien à notre dignité» : Aleka Triantafyllou, retraitée, s'est jointe aux milliers de manifestants rassemblés mercredi à Athènes et dans toute la Grèce au moment où s'engageaient d'âpres négociations entre leur pays et la zone euro.

Plus de 20 000 personnes - au moins 15 000 à Athènes et 5000 à Thessalonique selon la police - ont répondu au mot d'ordre «Un souffle de dignité», relayé depuis plusieurs jours sur les réseaux sociaux à l'origine du mouvement.

Ce cri de ralliement était décliné en de nombreux slogans sur la place du Parlement de la capitale grecque : «Stop à l'austérité», «aucun pas en arrière», «Donnez une chance à la Grèce», «respect», proclamaient les banderoles.

Parmi les manifestants, Stefania Hatziandreou, une quinquagénaire qui a voté pour la gauche Syriza portée au pouvoir fin janvier, appelait «tous les Grecs à être aujourd'hui ici pour faire pression sur l'Europe. Je crois qu'il y aura une solution, nous sommes tous pour l'Europe, mais il ne faut pas qu'elle exerce une telle pression».

C'est la première manifestation de Thanassis Goumasis, 48 ans, sur cette place qui fut le théâtre de rassemblements géants au pic de la crise : «nous sommes là pour soutenir le gouvernement dans les négociations, je n'ai pas voté Syriza. C'est l'heure de rétablir la justice», expliquait ce retraité de l'armée.

Plus de sept Grecs sur dix, selon deux sondages publiés mardi, jugent positifs les premiers pas du nouveau gouvernement d'Alexis Tsipras qui souhaite tourner la page de l'austérité tout en cherchant avec la zone euro «un accord». Celui-ci s'annonce compliqué à trouver tant les antagonismes sont forts entre Athènes et ses créanciers UE, BCE, FMI, qui ont commencé à négocier mercredi soir à Bruxelles.

Au milieu d'une foule de tous âges qui a bravé le froid d'une exceptionnelle journée neigeuse à Athènes, Dimitris Dagakos, un ingénieur se dit prêt «à se battre aux côtés du gouvernement qui ose négocier sur un pied d'égalité avec les partenaires européens, sans se soumettre à la troïka», cet attelage de représentants de l'UE et du FMI qui supervise depuis 2010 l'économie grecque et cristallise la rancoeur populaire.

Un thème repris par de nombreuses pancartes, au milieu des drapeaux grecs : «Nous ne sommes pas une colonie de Merkel», affirmait ainsi l'une d'elles en allemand.

Négocier avec «10 millions de Grecs»

D'autres privilégiaient plutôt l'appel à l'unité, telle une grande banderole, «Peuples européens ensemble!». Des rassemblements étaient également prévus dans plusieurs villes européennes.

«Dans les villes de Grèce et d'Europe, le peuple se bat pour la négociation, c'est notre force», lançait d'ailleurs au même moment un message sur le compte d'Alexis Tsipras.

«L'Eurogroupe ne négocie pas seulement avec le gouvernement grec, mais avec dix millions de Grecs», a renchéri le porte-parole de l'exécutif Gabriel Sakellaridis.

Une délégation grecque comprenant le ministre des Finances Yanis Varoufakis et le vice-premier ministre Ioannis Dragasakis va présenter un plan de financement et de réforme alternatif à celui suivi par la Grèce depuis 2010 et rendu responsable d'un appauvrissement de la population même si les finances du pays se sont stabilisées. Jeudi se tient un sommet des chefs d'États et de gouvernement auquel participera M. Tsipras.

«C'est rassurant, au moins on voit nos dirigeants s'entretenir avec leurs homologues européens et non avec des employés des institutions européennes, comme la troïka», soulignait Aleka Triantafyllou, qui avait voté pour les socialistes par peur d'un «changement trop radical» avec Syriza.

Il s'agit de la deuxième manifestation en une semaine en faveur du gouvernement organisée via Facebook. Mercredi dernier, le jour où la BCE a décidé de priver les banques grecques d'un outil important de financement, environ 5000 Athéniens ont battu le pavé pour dire «non au chantage de la BCE». Une autre est prévue dimanche.