La police parisienne, installée au mythique «36 Quai des Orfèvres», va de scandale en scandale : son directeur vient d'être limogé pour des soupçons de fuites dans une enquête de corruption, quelques mois après un spectaculaire vol de cocaïne dans ses locaux.

Placé en garde à vue mercredi, Bernard Petit a été mis en examen (inculpé) et immédiatement suspendu, dans la nuit de jeudi à vendredi, un séisme pour cette institution.

«Bernard Petit est un grand policier, mais quand on exerce cette mission, il ne peut pas y avoir le moindre doute», et son limogeage «était le choix qui s'imposait», a déclaré vendredi le premier ministre Manuel Valls.

Arrivé il y a un an à la tête de la police judiciaire (PJ) de Paris, avec l'étiquette d'un «grand flic», M. Petit est soupçonné d'avoir violé le secret d'une enquête impliquant l'ancien patron de l'unité d'élite de la gendarmerie (GIGN), Christian Prouteau, et un célèbre escroc français, Christophe Rocancourt.

L'enquête en question est un dossier de corruption impliquant Christophe Rocancourt, emprisonné en octobre pour escroquerie et trafic d'influence. Cinq autres personnes, dont Christian Prouteau, sont également mises en examen dans cette affaire.

Surnommé «l'escroc des stars» pour avoir abusé dans le passé de célébrités du monde entier, M. Rocancourt est soupçonné d'avoir tenté, contre paiement, de faire régulariser des personnes sans-papiers.

Lors de sa garde à vue en octobre, Christian Prouteau était apparu très au courant du dossier, laissant penser aux enquêteurs qu'il avait pu être renseigné en amont. Cette hypothèse a été confortée par des écoutes téléphoniques.

Scandales en série au «36»

Ce scandale n'est que le dernier d'une longue série pour la police parisienne. La maison centenaire vit depuis quelques mois un feuilleton très noir que n'aurait pas renié l'écrivain belge Georges Simenon qui immortalisa le «36 quai des Orfèvres» dans ses romans policiers.

La nomination de Bernard Petit, 59 ans, ancien inspecteur qui a gravi tous les échelons de la hiérarchie policière ne s'est pas faite sans remous.

Il remplace Christian Flaesch, qui vient alors d'être écarté sans ménagement par Manuel Valls, à cette époque ministre de l'Intérieur, pour avoir prévenu un proche de l'ex-président Nicolas Sarkozy, Brice Hortefeux, d'une convocation par ses services.

À peine Bernard Petit commence-t-il à imprimer sa marque sur la PJ, que celle-ci est frappée fin avril 2014 par une première secousse. Une touriste canadienne porte plainte, affirmant avoir été violée par des hommes de la brigade antigang, au siège même de la police parisienne.

Le nouvel homme fort fait face et évoque le «devoir d'exemplarité» des policiers du «36».

Quelques semaines plus tard, fin juillet, deuxième électrochoc : 52 kg de cocaïne disparaissent d'une salle des scellés du quai des Orfèvres. Les soupçons se portent très vite sur un ex-membre de la brigade des stupéfiants, emprisonné en août, mais la drogue - d'une valeur estimée à 2 millions d'euros (2,8 millions de dollars) - n'a toujours pas été retrouvée.

Malgré ces deux séismes, Bernard Petit garde la confiance du gouvernement. «C'est difficile de lui reprocher quoi que ce soit dans ces deux affaires, mais ça fait évidemment tache», juge un enquêteur.

À son crédit, l'arrestation de Jean-Luc Germani, figure du milieu corse en cavale depuis 2011, et sa gestion des attentats parisiens début janvier.

«Ce qui est paradoxal, c'est qu'il s'était construit l'image d'un patron tenant la barre dans le tumulte, droit, et avec une ligne dure», estime un syndicaliste policier. «Il s'était placé comme l'homme qui lave plus blanc que blanc. Si les faits sont avérés, c'est vraiment l'arroseur arrosé.»

Passés le choc et la surprise de la mise en cause de leur patron, les policiers du «36» s'interrogent sur la capacité de la police parisienne à se remettre de ce nouveau séisme.

«On pensait avoir touché le fond. On s'était trompé, on creuse encore!» lâche mi-amusé, mi-amer, un vétéran du «36».