Trois militaires français en faction devant un centre communautaire juif ont été blessés à l'arme blanche mardi à Nice par un homme, dans le viseur de la police après un déplacement suspect en Turquie, un mois après les attentats djihadistes de Paris.

Un soldat a été blessé à une joue, et un autre au bras. Le troisième a maîtrisé l'assaillant, Moussa Coulibaly, 30 ans, qui a été interpellé.

«Nous sommes face à un phénomène nouveau, le terrorisme en libre-accès», a déclaré dans la soirée le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve, jugeant que cela nécessitait «la mobilisation de moyens exceptionnels».

M. Cazeneuve, qui s'est rendu à Nice pour saluer les trois militaires en compagnie du ministre de la Défense, a expliqué que les mouvements de Moussa Coulibaly étaient suivis de près après avoir donné des «signes de radicalisation».

«Le renseignement territorial l'avait détecté, ses déplacements vers la Turquie avaient été suivis et nous avions demandé son retour en France. À son retour en France il a été auditionné par la DGSI (services de renseignements, ndlr), mais il n'avait montré aucun signe de passage à l'acte», a expliqué M. Cazeneuve.

«Cependant, la surveillance de son environnement se poursuivait pour comprendre ce qu'il faisait à Nice, alors qu'il était ici sans racines et sans contacts», a-t-il ajouté.

Cette attaque est la première qualifiée de «terroriste» depuis les attentats djihadistes de Paris du 7 au 9 janvier contre la rédaction de l'hebdomadaire satirique Charlie Hebdo, des policiers et un supermarché casher, qui ont fait 17 morts.

Moussa Coulibaly n'a «a priori» aucun lien avec Amédy Coulibaly, l'un des trois auteurs des attentats de Paris, selon plusieurs sources proches de l'enquête.

Amédy Coulibaly avait abattu une policière dans la banlieue sud de Paris le 8 janvier avant de tuer le lendemain un employé et trois clients juifs lors d'une prise d'otages sanglante dans un supermarché casher.

Quelque 10 500 militaires ont été déployés en renfort en France depuis les attentats pour assurer la protection de sites sensibles, notamment ceux de la communauté juive.

«Aujourd'hui, 830 sites sensibles sont surveilllés en France, dont 30 à Nice», a indiqué le ministre de la Défense, Jean-Yves le Drian.

Selon une source proche du dossier, Moussa Coulibaly avait été repéré mi-décembre par la police alors qu'il faisait du «prosélytisme agressif» dans une salle de sports de Mantes-la-Jolie, près de Paris.

Sur la base de ce signalement et d'une alerte sur son départ muni d'un aller simple pour Istanbul le 28 janvier, les services de renseignement français avait demandé aux autorités turques de le refouler.

De source sécuritaire turque, il a été intercepté le lendemain à l'aéroport Atatürk d'Istanbul en provenance de Rome et renvoyé dans la capitale italienne.

Moussa Coulibaly avait été condamné à six reprises entre 2006 et 2009 pour des délits de droit commun commis à Mulhouse, selon une source proche du dossier.

Les trois militaires ont été agressés peu après 8h00 mardi alors qu'ils gardaient un immeuble du centre de Nice qui abrite le consistoire israélite niçois, une radio et une association juives.

Selon un officier qui a visionné les images de caméras de surveillance, l'assaillant «s'est approché des militaires en laissant tomber un sac en plastique devant eux pour détourner leur attention», puis a «sorti un couteau de sa manche».

«Le premier militaire a été touché à la face assez gravement. Il a une entaille très profonde au niveau de la pommette. Le deuxième militaire a esquivé plusieurs coups et a été blessé assez sévèrement à un bras». Le troisième militaire a maîtrisé Coulibaly.

Peu avant l'agression, ce dernier avait été verbalisé dans un tramway de Nice, accompagné d'un homme de 43 ans, né au Tchad et de nationalité canadienne, qui a lui aussi été interpellé.

Le président du Consistoire israélite de France, l'instance religieuse de la communauté juive, a déploré mardi que les attentats de Paris n'aient pas servi «d'avertissement aux extrémistes».

Le gouvernement français a dévoilé après les attentats une série de mesures antiterroristes. Le Premier ministre Manuel Valls a souligné que le pays était confronté à un «défi redoutable» avec «près de 3.000 personnes à surveiller dans le pays» pour leurs liens avec des djihadistes ou «des filières terroristes en Syrie et en Irak».

«1200 ressortissants français sont allés en Irak et en Syrie, 580 y sont allés et en sont revenus, 200 veulent y aller. Et 185 sont quelque part en Europe sur le chemin pour y aller», a détaillé M. Cazeneuve.

Dans une vidéo diffusée mardi, le groupe État islamique a proféré de nouvelles menaces contre la France, affirmant avoir des milliers de partisans dans ce pays prêts à mener des attaques, et appelant les musulmans à cibler au couteau notamment policiers et soldats.