Il est maniaque d'exercice physique, a travaillé pour une firme américaine de jeux vidéo et s'est lancé en politique il y a... trois semaines. À 53 ans, Yanis Varoufakis, nouveau ministre des Finances de la Grèce, n'est décidément pas un élu ordinaire. Portrait en cinq temps de l'homme qui tient le sort de la Grèce - et l'équilibre de l'Europe - entre ses mains.

PHÉNOMÈNE

Yanis Varoufakis a passé les dernières années à enseigner l'économie dans des universités du Royaume-Uni, de l'Australie et des États-Unis. Il n'est rentré en Grèce qu'au début de janvier. Or, M. Varoufakis a été élu haut la main au Parlement grec, dimanche dernier, et est devenu ministre des Finances mardi. Ses politiques, campées à gauche, il les énonce depuis des années sur son blogue, qu'il alimente presque quotidiennement. «La Grèce vit une grande dépression, et le pacte signé avec l'Europe est de la torture fiscale pour notre pays, a-t-il dit à la BBC cette semaine. Il faut avoir un débat rationnel avec nos partenaires européens sur la marche à suivre.»

1987

M. Varoufakis a commencé à enseigner l'économie à l'Université d'Essex, au Royaume-Uni, en 1987, avant même d'avoir obtenu son doctorat, décerné par le même établissement. Depuis, sa carrière a suivi un parcours atypique: de 2004 à 2006, il a été conseiller économique du premier ministre grec Georges Papandréou, a publié plusieurs livres et voyagé avec sa femme, l'artiste Danaé Stratou, le long de plusieurs murs du monde, notamment en Palestine et à la frontière mexicano-américaine.

JEUX VIDÉO

En 2012, M. Varoufakis a accepté une offre d'emploi inusitée: le cofondateur de la société multimilliardaire de jeux vidéo Valve, Gabe Newell, l'a invité à devenir économiste pour son entreprise. Tim Fernholz, journaliste économique au site new-yorkais Quartz, a interviewé Yanis Varoufakis à cette époque. «Pour ses jeux virtuels en ligne, Valve propose aux joueurs d'acheter des objets virtuels, et ces "économies virtuelles» étaient devenues difficiles à gérer, dit M. Fernholz en entrevue téléphonique. Le rôle de Varoufakis était d'appliquer des solutions.» Il n'est pas exceptionnel qu'une société de jeux fasse appel à un économiste, dit-il. «Plusieurs économistes reconnus étudient les mondes virtuels des jeux vidéo. C'est une façon d'expérimenter avec des modèles qui comptent des millions de participants.»

240 Milliards

L'Union européenne a déjà déboursé 240 milliards d'euros (près de 345 milliards de dollars) pour sauver la Grèce depuis cinq ans. «Le problème, c'est que moins de 10% de cette somme est allé en Grèce, a dit M. Varoufakis cette semaine. Le reste a servi à payer les créanciers étrangers, c'est tombé dans le trou noir d'une dette qu'il est impossible de soutenir à long terme. Nous devons minimiser le coût de la débâcle grecque pour les contribuables allemands, portugais, slovaques.» Sa grande idée est de lier le paiement de la dette extérieure grecque à la croissance de l'économie du pays, «de façon à ce que nous puissions faire des paiements réalistes».

RADICAL?

Dans la presse, Yanis Varoufakis est souvent présenté comme un radical de gauche. Tim Fernholz critique cette épithète. «Il est peut-être radical si on le regarde depuis les États-Unis, mais en Europe, à cause de ses idées et de ses perspectives, il est beaucoup moins radical.» Dans une récente entrevue, M. Varoufakis a résumé son défi ainsi: «Nous devons offrir à [la chancelière allemande Angela Merkel] une façon d'emballer une nouvelle entente pour qu'elle puisse ensuite la vendre aux parlementaires allemands.» Scinder l'Union européenne et orchestrer une sortie pour la Grèce est dangereux et n'est pas envisageable, a-t-il dit.

Sur le Net: Yanisvaroufakis.eu