L'Union européenne, confrontée à la large victoire en Grèce du parti de la gauche radicale et anti-austérité Syriza, va devoir composer avec Alexis Tsipras, le nouvel homme fort du pays, et choisir entre l'affrontement et des concessions difficiles à accepter pour certains pays, comme l'Allemagne.

Alexis Tsipras réclame une restucturation de la dette, qui représente 177% du PIB. Ses partenaires n'envisagent qu'un allégement et sous la condition de la poursuite des réformes engagées.

Les premiers signaux seront envoyés dès lundi à l'occasion de la réunion des ministres des Finances de la zone euro à Bruxelles sur l'avenir du programme d'aide financière dont bénéficie Athènes, avec comme corollaire le problème de sa dette colossale. Prévu de longue date, mais il tombe à point nommé. Il sera précédé par une session de travail entre les présidents du conseil européen Donald Tusk, de la Commission européenne Jean-Claude Juncker et de l'Eurogroupe Jeroen Dijsselbloem.

La victoire de Syriza a surpris par son ampleur, mais elle ne prend pas les partenaires de la Grèce par surprise. «On ne va pas échapper à une renégociation, la question est sur quoi va-t-elle porter: les échéances, les montants, les deux», a confié dimanche à l'AFP une source européenne à Bruxelles. «Pour les montants ce sera le plus difficile».

La position de l'Allemagne sera déterminante. La victoire de Tsipras «mine la politique actuelle organisée sur des principes allemands», a souligné dimanche Julian Rappold, de l'Institut allemand de politique étrangère. «Le chemin présenté par Merkel comme sans alternative pourrait être remis en question».

Les partenaires de la Grèce sont prêts à donner un délai au nouveau gouvernement grec avant de pouvoir négocier sereinement sur son plan d'aide, a assuré le ministre français des Finances, Michel Sapin. Une extension de six mois du programme actuel, déjà prolongé en décembre jusqu'à fin février, est envisageable comme première réponse, a-t-on indiqué de source européenne.

Mais le temps presse. «L'analyse est de savoir jusqu'à quand la Grèce peut tenir en terme de trésorerie», a averti M. Sapin. «Est-ce que la Grèce est capable, fin mars, de payer ses fonctionnaires?», a-t-il ajouté.

«Partie de poker» 

«Nous devons voir les propositions que fera Tsipras», a déclaré le ministre italien des Affaires européennes, Sandro Gozi.

«Le peuple grec laisse l'austérité derrière lui», a lancé dimanche le nouvel homme fort de la Grèce dans sa première intervention après la victoire de son parti. Un peu plus tard il précisait vouloiir «négocier» avec les créanciers internationaux «une nouvelle solution viable qui bénéficie à tous», sans entrer dans les détails.

Mais derrière la réthorique, il y a les faits. Athènes vit depuis 2010 sous perfusion de ses créanciers internationaux, qui se sont engagés à lui prêter quelque 240 milliards d'euros en échange d'une austérité drastique.

«Je rends un pays qui est en train de sortir de la crise, qui est membre de l'Union européenne et de la zone euro et j'espère que le prochain gouvernement va maintenir ces acquis», a  souligné Antonis Samaras, le Premier ministre sortant, après avoir concédé la défaite.

Il faut s'attendre à des moments tendus entre Bruxelles et Athènes dans les prochaines semaines, estime un haut fonctionnaire européen.

Entre Merkel et Syriza, «il va y avoir une partie de poker passionnante», prédit Julian Rappold. «Actuellement, pour le gouvernement allemand un effacement de dette n'est pas négociable», souligne-t-il. «Mais il doit y avoir une concession» de Berlin. «On ne veut pas être celui qui aura poussé la Grèce dans le précipice», explique-t-il.

«Il faut alléger la dette, par exemple en allongeant la durée des prêts et en réduisant encore les taux d'intérêt sur certains prêts», a expliqué l'économiste Jacques Sapir au quotidien français Libération.

L'économiste Paul De Grauwe met en garde: refuser d'alléger la dette serait une erreur car cela «condamnera la Grèce a de nombreuses années difficiles et encouragera les mouvements politiques extrémistes», ce qui «perturbera fortement la zone euro dans son ensemble».