Un parti d'extrême gauche qui promet de s'attaquer au carcan financier imposé à la Grèce par ses créanciers internationaux est en voie de prendre le pouvoir, à l'issue du scrutin qui aura lieu dimanche.

Les derniers sondages indiquent que les dirigeants de Syriza, d'inspiration marxiste, disposent d'une avance de quatre à six points de pourcentage sur le parti Nouvelle démocratie du premier ministre sortant, Antonis Samaras.

La victoire annoncée de la formation et de son charismatique jeune dirigeant, Alexis Tsipras, est vue comme une source d'espoir pour les plus démunis de la société grecque, essoufflés par des années de compressions budgétaires.

Elle est considérée à l'inverse avec appréhension par les ténors de l'Union européenne (UE) et du Fonds monétaire international (FMI), qui redoutent une nouvelle crise susceptible de menacer la solidité de l'euro.

Alexis Tsipras a déjà fait savoir qu'il entendait revoir le programme d'ajustement imposé au pays en échange de l'injection des centaines de milliards d'euros requis pour éviter la banqueroute.

Il a également déclaré qu'il demanderait qu'une partie importante de la dette - qui représente aujourd'hui près de 180% du PIB du pays - soit annulée et les intérêts revus à la baisse de manière à permettre à la Grèce de se relancer.

Dans une entrevue récente au quotidien anglais The Guardian, l'économiste en chef du parti, John Milios, a avancé que 50% de la dette devrait être radiée.

Il s'est attaqué par la même occasion aux interventions du premier ministre Antonis Samaras, qui a prévenu à de nombreuses reprises les Grecs que l'arrivée au pouvoir de Syriza pourrait forcer le pays à quitter la zone euro.

«Le gouvernement a lancé une campagne de peur pour amener la population à craindre le pire, mais, en réalité, personne ne croit à un scénario de sortie de la Grèce», a relevé M. Milios en soulignant que la chancelière allemande, Angela Merkel, avait elle-même écarté cette possibilité.

Le gouvernement allemand, qui joue un rôle clé dans les mesures d'austérité imposées par l'UE, n'entend pas revoir ses façons de faire.

Le président de la commission des Affaires européennes du Bundestag, Gunther Krichbaum, a prévenu il y a quelques jours que l'annulation de la dette de la Grèce était «hors de propos».

«Que dirions-nous aux autres pays qui ont réalisé de douloureuses réformes structurelles sans bénéficier d'un tel geste?» a-t-il souligné en entrevue au quotidien français L'Opinion.

Antonio Roldan Mones, analyste de l'Eurasia Group, note que Syriza aura du mal à convaincre ses créanciers européens sur ce plan. D'autant plus que ces derniers exigeaient des mesures d'austérité additionnelles du parti de M. Samaras avant d'envisager une nouvelle aide.

En 2015 seulement, Athènes doit rembourser près de 20 milliards d'euros, ce qui risque de placer rapidement le parti d'extrême gauche en position délicate.

Theodore Pelagidis, économiste grec rattaché à la Brookings Institution, accuse Syriza de faire des promesses «démagogiques, contradictoires et superficielles».

L'analyste pense que la suite des choses dépendra de l'importance de la victoire de la formation aux élections. Si le parti d'Alexis Tsipras remporte une majorité de sièges, les tenants de la ligne dure voudront qu'il se montre intransigeant avec les autorités allemandes et européennes. Il risque fort alors de revenir à Athènes «les mains vides».

Angela Merkel et ses pairs pourraient se montrer plus conciliants, croit M. Pelagidis, si Syriza doit former une «grande coalition» qui l'amènera à adoucir ses revendications.

Loin de partager le pessimisme de l'économiste, les ténors de Syriza misent sur le fait qu'un départ éventuel de la Grèce représente une menace suffisamment importante pour la zone euro pour faire plier les autorités européennes.

Mesures impopulaires

Les réussites ou les échecs d'un futur gouvernement d'extrême gauche seront suivis de près dans plusieurs autres pays où la popularité de partis opposés aux mesures d'austérité est en forte hausse.

C'est le cas notamment en Espagne, où Podemos, qui a une idéologie similaire à celle de Syriza, est en tête des sondages pour les élections législatives prévues en fin d'année.

«Il est certain qu'une bonne performance de Syriza favoriserait Podemos. Dans le cas contraire, le Parti populaire et les socialistes vont brandir leur échec pour tenter de convaincre la population que ce sont des fous qui veulent prendre le pouvoir», relève Antonio Roldan Mones.