L'Europe doit renforcer son arsenal contre le terrorisme car elle est sous la double menace d'une attaque d'envergure organisée par Al-Qaïda et d'actions perpétrées par des individus radicalisés, ont averti mercredi plusieurs sources européennes.

«Il y a des raisons d'être préoccupé et d'être extrêmement vigilant», a assuré un responsable européen proche du dossier. «Al-Qaïda est affaiblie, mais elle peut vouloir organiser une attaque contre l'Occident pour montrer qu'elle existe toujours», explique-t-il. «Cette préoccupation est partagée par les grands services de renseignement, notamment le MI5 britannique».

«J'ai peur d'un gros coup d'Al-Qaïda, qui n'a pas renoncé à frapper en Europe. Mais la menace la plus angoissante est celle du terrorisme atomisé, car sa détection est très très compliquée», a confié à l'AFP l'eurodéputé conservateur français Arnaud Danjean, ancien membre des services de renseignement.

Quinze jours après les attentats de Paris et une semaine après un raid en Belgique contre des terroristes prêts à passer à l'action, M. Danjean s'est dit convaincu que «cela arrivera de nouveau». «Je suis inquiet, car la menace est plus forte et se renforce», a-t-il ajouté.

Plus de 3.000 Européens radicalisés ont rejoint les mouvements terroristes islamistes en Syrie et en Irak, selon les données fournies par les États. Et près de 30% sont revenus.

Le coordinateur européen pour la lutte contre le terrorisme, le Belge Gilles de Kerchove, avait insisté récemment dans un entretien avec l'AFP sur «la rivalité entre Daesh (l'organisation de l'État islamique), qui veut agir et l'a annoncé, et Al-Qaïda qui veut rester dans la course et se rappeler à notre bon souvenir».

«Le problème avec l'État islamique est qu'il ne commandite rien, mais inspire des actions», souligne Arnaud Danjean.

L'Union européenne prépare un plan de bataille. Le sujet sera au centre des réunions des ministres de l'Intérieur et de la Justice les 29 et 30 janvier à Riga. Une série de mesures concrètes sont attendues, mais certaines divisent encore les États.

La France devrait défendre la confiscation des documents d'identité des personnes soupçonnées de vouloir rejoindre les organisations terroristes en Syrie ou en Irak. «C'est une mesure intelligente, car si l'individu viole l'interdiction de quitter le territoire, il commet un délit. Plus besoin de prouver l'intention», a commenté le haut fonctionnaire européen. «Ce serait bien que d'autres fassent comme la France», a-t-il jugé.

La confiscation permet de contourner les obstacles rencontrés pour une définition commune du «combattant terroriste étranger», sur laquelle les États ne sont pas d'accord.

Les discussions à Riga porteront également sur une modification du code des frontières de Schengen, afin de permettre des contrôles systématiques ciblés des ressortissants des 26 pays membres aux entrées et aux sorties de l'espace de libre circulation.

Les ministres seront également appelés à se prononcer sur des modifications à apporter au projet de registre européen des passagers des avions (PNR), afin d'obtenir l'accord du Parlement européen. La Commission européenne s'est dite prête mercredi à modifier sa proposition. Mais les Britanniques par exemple refusent pour l'instant de modifier le texte, a indiqué à l'AFP une source européenne proche du dossier.

Les Européens devront aussi alimenter davantage les banques de données du Système d'information Schengen et d'Europol. Nombre de gouvernements ne le font pas actuellement, a déploré le haut fonctionnaire européen.

Plusieurs mesures nécessiteront des normes européennes. Cette mission reviendra à la Commission européenne, qui présentera une «stratégie pour la sécurité» au mois de mai, a annoncé mercredi son vice-président, Frans Timmermans.

Des lois sur la surveillance parmi «les intrusives d'Europe» n'ont pas empêché les attaques

Les autorités françaises n'ont pu empêcher les attaques menées à Paris début janvier malgré une des législations sur la surveillance téléphonique et informatique «les plus intrusives d'Europe», a soutenu mercredi l'ancien consultant de l'Agence de sécurité américaine (NSA) Edward Snowden.

«La France a voté une des lois sur la surveillance les plus intrusives et au champ d'application parmi les plus étendus d'Europe l'année passée, et cela n'a pas empêché les attaques», a déclaré le «lanceur d'alerte» Edward Snowden dans un entretien avec la télévision publique néerlandaise.

Edward Snowden a révélé l'ampleur du système de surveillance du gouvernement des États-Unis en rendant publics des documents secrets de la NSA par l'intermédiaire de médias.

Le Parlement français avait définitivement voté le 10 décembre 2013 la Loi de programmation militaire 2014-2019, qui fixe le cadre budgétaire de la défense pour les six ans à venir.

Vivement contesté, l'article 13 de cette loi renforce l'accès des services du renseignement intérieur, de police et de gendarmerie aux données téléphoniques et informatiques, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée.

Edward Snowden, interviewé depuis Moscou, où il bénéficie de l'asile politique pour échapper aux poursuites américaines pour espionnage, a fait le parallèle avec les États-Unis et le «Patriot Act» une législation controversée  votée après les attentats du 11 septembre 2001.

Les écoutes n'ont pas empêché l'attentat du marathon de Boston en avril 2013, la pire attaque sur le sol américain depuis le 11 septembre 2001, a-t-il par exemple soutenu.

Il a ensuite évoqué une conversation avec un collègue le jour où l'attaque de Boston a eu lieu.

«Je lui ai dit que j'étais prêt à parier presque n'importe quoi que nous savions qui ces gens étaient que nous avions quelque chose sur eux, il s'est avéré plus tard que c'était le cas», a-t-il dit : «le problème avec la surveillance de masse, c'est qu'on enterre les gens (suspects, NDLR) sous trop d'informations».

Une dizaine d'ex-militaires français seraient partis faire le djihad

Une dizaine d'anciens militaires français, dont certains issus des forces spéciales et de la Légion étrangère, ont rejoint les rangs des djihadistes en Irak et en Syrie sous différentes bannières, ont affirmé mercredi la radio RFI et le quotidien L'Opinion.

Interrogé sur ces informations, le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a apporté une confirmation partielle. «Les cas d'anciens militaires tentés par une aventure djihadiste sont d'une extrême rareté», a-t-il dit lors d'une conférence de presse portant sur les nouvelles mesures antiterroristes prises par le gouvernement français.

«La DPSD (Direction de la protection et de la sécurité de la défense) va renforcer sa vigilance et les moyens affectés à la DPSD vont être augmentés», a-t-il ajouté.

La plupart de ces anciens militaires combattent dans les rangs du groupe armé État islamique, croit savoir RFI. L'un d'eux commande un groupe d'une dizaine de Français qu'il a formés au combat dans la région de Deir Ezzor (nord-est de la Syrie), selon la radio.

«D'autres sont experts en explosifs (...) Il s'agit de jeunes d'une vingtaine d'années, certains convertis, d'autres issus de culture arabo-musulmane», indique également RFI sur son site internet.

Selon L'Opinion, l'un d'eux a servi au 1er Régiment de parachutistes d'infanterie de marine (RPIMa) de Bayonne (sud-ouest), un régiment d'élite de l'armée française rattaché au Commandement des opérations spéciales, et y a suivi une formation de commando en techniques de combat, tir et survie.

À l'issue d'un engagement de cinq ans, cet ancien des forces spéciales, issu d'une famille originaire du Maghreb, a rejoint une société de sécurité privée pour laquelle il a travaillé sur des sites pétroliers dans la Péninsule arabique, poursuit L'Opinion sur son site internet.

«C'est alors qu'il s'est progressivement radicalisé, se laissant pousser la barbe et adhérant à l'idéologie islamiste», écrit le quotidien, ajoutant, de sources proches du dossier, qu'il aurait ensuite été licencié et aurait rejoint la Syrie.