Cinq personnes ont été inculpées en Belgique pour «participation aux activités d'un groupe terroriste», et trois d'entre elles ont été placées en détention préventive, a indiqué vendredi le parquet fédéral, au lendemain du démantèlement d'une cellule qui s'apprêtait à commettre des attentats contre des policiers.

L'une des trois personnes placées en détention est le djihadiste présumé qui a survécu à l'assaut donné par la police jeudi soir à Verviers, dans l'est du pays, a précisé à l'AFP le porte-parole du parquet fédéral, Eric Van der Sijpt.

Les deux autres personnes placées en détention avaient été interpellées jeudi soir, a-t-il ajouté.

Deux autres inculpés ont été «libérés sous conditions», a-t-il précisé, en se refusant, «dans l'intérêt de l'enquête», à révéler les identités des suspects ou à donner toute information supplémentaire.

Les huit autres personnes interpellées jeudi dans le cadre de l'opération antiterroriste ne sont pas poursuivies.

Selon le porte-parole du parquet, un juge d'instruction a délivré un mandat d'arrêt européen à l'encontre des deux Belges interpellés par la Douane dans les Alpes françaises alors que, partis de Belgique jeudi soir, ils tentaient de passer en Italie.

Des journaux belges ont identifié le survivant de l'assaut de Verviers comme Marouane T. Selon son avocat, Didier de Quévy, cité par les quotidiens du groupe Sudpresse, l'homme nie être impliqué dans un projet d'attentat et s'être rendu en Syrie, expliquant sa présence sur les lieux par sa participation à un trafic de drogue.

Des comptes djihadistes sur Twitter ont identifié les deux hommes tués après avoir riposté à l'arme de guerre à l'intervention de la police. Il s'agirait de Radwan Haqawi et Tareq Jadoun. Le groupe armé état islamique n'a pas fait le moindre commentaire sur le sujet par ses canaux habituels.

Sudpresse cite pratiquement les mêmes noms - Redwane Hajaoui et Tarik Jadaoun -, en précisant qu'il s'agissait de deux jeunes de Verviers partis en Syrie et revenus dans leur ville à l'insu de leur famille. «Redwane Hajaoui serait bien l'une des victimes», écrit Sudpresse sur son site internet.

«Le groupe était sur le point de commettre des attentats terroristes, notamment en tuant des policiers sur la voie publique et dans les commissariats», a-t-il dit. «C'était une question d'heures peut-être, au maximum quelques jours», a-t-il précisé.

La semaine dernière, dans le cadre des attentats de Paris, une policière avait été abattue à Montrouge, près de Paris, par Amedy Coulibaly, avant que le djihadiste français s'attaque le lendemain à un magasin casher.

«Ils prévoyaient des attaques sur l'ensemble de la Belgique», a indiqué un autre substitut, Eric Van der Sijpt.

Deux djihadistes présumés ont été tués dans l'opération, lors d'une fusillade à Verviers, dans l'est du pays.

Au total, 12 perquisitions ont été menées et 13 personnes «ont été privées de liberté» en Belgique, a indiqué Thierry Werts, parmi lesquels le troisième suspect blessé à Verviers. Les autres interpellations ont eu lieu à Bruxelles, essentiellement à Molenbeek, un quartier populaire de la capitale belge.

L'opération visait à démanteler la cellule terroriste ainsi que son «soutien logistique», a souligné le parquet.

À Verviers, plusieurs armes ont été retrouvées, dont «quatre de type Kalachnikov AK 47 ainsi que des armes de poing, des munitions, des uniformes de police, des téléphones portables, du matériel de communication, des documents falsifiés et de grosses sommes d'argent», a détaillé M. Werts.

Des armes et des munitions ont aussi été saisies à Molenbeek.

L'opération menée en Belgique «ne fait pas partie d'une opération à grande échelle au niveau européen», a assuré M. Van der Sijpt. «Il s'agit essentiellement d'une opération belge menée en Belgique».

Le parquet a refusé de préciser la nationalité ou l'identité des membres de la cellule, de même que le nombre de ceux qui revenaient de Syrie. Il y a «une majorité de Belges», a dit M. Werts.

«Coup important» contre le terrorisme

Le groupe, dont certains membres «ont combattu en Syrie», planifiait des «attaques dans toute la Belgique», a précisé un autre substitut, Eric Van der Sijpt. Plus de 3000 jeunes européens sont partis combattre en Syrie, selon les experts, dont environ 30 % sont revenus en Europe. «L'opération a permis de «porter un coup important au terrorisme en Belgique», a estimé M. Van der Sijpt.

«Les opérations sur le terrain sont terminées», a indiqué le ministre belge des Affaires étrangères, Didier Reynders.

Le niveau de menace terroriste, qualifié de «grave», a été relevé dans la nuit d'un cran, à 3 sur une échelle de 4, pour l'ensemble du royaume. La Commission européenne a indiqué avoir aussi renforcé sa sécurité.

À Bruxelles, les postes de police filtraient les entrées, et la surveillance du Palais de justice a été renforcée. Les policiers ont reçu consigne de porter à l'extérieur armes et gilets pare-balles, et de patrouiller à plusieurs.

Les cours ont aussi été suspendus dans les grandes écoles juives de la capitale et d'Anvers, ainsi que dans un établissement à Amsterdam, aux Pays-Bas.

«Une telle opération de nettoyage (...) pourrait amener d'autres à passer à l'acte», a justifié le ministre de l'Intérieur, Jan Jambon.

Réputé être un vivier du radicalisme islamique, sur fond de chômage et de pauvreté, la ville de Verviers accusait le coup. «Je suis sous le choc», lançait Eva Ruiz, qui travaille dans une école proche du lieu de l'assaut. «Rien de tout cela ne doit perturber l'équilibre fragile qui permet à cette ville de tenir sur ses jambes», a réagi le bourgmestre (maire), Marc Elsen, saluant la «réaction très ferme de la communauté musulmane» locale.

Les autorités belges préparaient cette opération depuis des semaines, a précisé le parquet, avant les attentats de Paris. Le coup de filet «ne fait pas partie d'une opération à grande échelle au niveau européen», a assuré M. Van der Sijpt. «Il s'agit essentiellement d'une opération belge menée en Belgique».

«Il n'y a pas de lien entre les attentats à Paris et ceux programmés en Belgique» ni «entre les filières», a insisté M. Reynders, même si des échanges d'informations ont eu lieu entre polices belge et française.

«Il va falloir faire comprendre à beaucoup de partenaires que l'échange d'informations doit s'améliorer», a affirmé le ministre, dont le pays plaide, notamment avec la France, pour un sursaut de mobilisation antiterroriste au niveau européen. «Le but c'est de prévenir, d'éviter que des attentats ne soient commis».

À Berlin, une dizaine de perquisitions au sein de la «mouvance islamiste» ont été effectuées vendredi matin. Deux Turcs ont été arrêtés, membres présumés d'un groupe qui envisageait «un acte violent grave en Syrie», selon la police.

En France, l'émotion reste très vive. Les obsèques de Charb, le patron du journal satirique Charlie Hebdo, se sont déroulées à Pontoise, près de Paris. Le dessinateur Honoré devait aussi être inhumé vendredi.

- Avec Alix RIJCKAERT et Alex PIGMAN