Le président de l'exécutif catalan Artur Mas a annoncé mercredi l'organisation d'élections régionales anticipées en septembre, centrées sur la question de l'indépendance de la Catalogne, en vue d'amener la région vers une sécession de l'Espagne si les indépendantistes l'emportent.

Les élections auront lieu le 27 septembre 2015, une date que le président nationaliste catalan, féru de symboles, n'a pas choisi au hasard: c'est aussi un 27 septembre, a-t-il rappelé, qu'il avait annoncé qu'il convoquerait les Catalans pour un référendum sur l'indépendance.

Le référendum promis n'a finalement pas eu lieu, ayant été suspendu par le tribunal constitutionnel à la demande de Madrid, qui le jugeait anticonstitutionnel. Le leader nationaliste a cependant organisé une consultation symbolique, également interdite. Il fait d'ailleurs l'objet d'une enquête pour «désobeissance civile», pour avoir bravé cet interdit.

Près de  2,3 millions de Catalans ont participé à la consultation sur l'indépendance du 9 novembre, en dépit de son interdiction. 1,9 million d'entre eux ont souhaité l'indépendance de cette région puissante de 7,5 millions d'habitants, représentant un cinquième du PIB de l'Espagne.

M. Mas souhaite que ces élections régionales anticipées qui renouvelleront le parlement local, soient donc centrées sur l'indépendance, en vue d'amener la région vers une sécession de l'Espagne si son camp l'emporte.

Lors d'une conférence de presse mercredi soir, il a annoncé être parvenu à un accord en ce sens avec le chef du principal mouvement d'opposition, Oriol Junqueras, du parti de gauche indépendantiste ERC, avec qui il partagera la même «feuille de route», vers la séparation.

M. Mas, seul à pouvoir convoquer des élections anticipées, a assuré que les partis favorables à l'indépendance avaient retrouvé leur unité après une «détérioration du climat ces derniers temps».

Les différents mouvements, poussés à se mettre d'accord par les deux puissantes associations indépendantistes à l'origine des grandes mobilisations pour le droit à décider des Catalans, ANC et Omnium, ne présenteront cependant pas une liste commune comme le souhaitait Artur Mas.

M. Junqueras, de gauche, hésitait en effet à s'allier électoralement avec le parti de M. Mas, CyU, de centre-droite, à l'image ternie par les scandales de corruption.

Leurs programmes électoraux intégreront cependant «une feuille de route» dont le but sera d'amener la région à se séparer de l'Espagne.

Lorsqu'il a évoqué cette plateforme en décembre, M. Mas avait indiqué que si elle l'emportait, elle disposerait alors d'un mandat de 18 mois pour lancer un processus débouchant sur la création d'un État.

Les élections régionales devaient en principe se tenir fin 2016. Elles interviendront finalement seulement quelques semaines avant les législatives en Espagne, prévues en novembre 2015.

Podemos, trouble-fêtes

Depuis quelques semaines, l'ascension du parti antilibéral Podemos, en tête de presque tous les sondages pour les législatives nationales, semblait avoir fait oublier la Catalogne et cristalisé le débat national, entre partisans d'un changement radical contre l'austérité, et électeurs craignant que ce mouvement ne mette en danger la reprise économique.

Le gouvernement du Parti populaire (droite) de Mariano Rajoy, aura donc ainsi un second front ouvert en Catalogne.

Le chef du gouvernement avait indiqué mercredi depuis Athènes qu'il ne souhaitait pas ces élections anticipées bien qu'il ne puisse s'y opposer.

«Cela ne me paraît pas approprié. Il faut dans les pays des périodes sans convocations électorales pour pouvoir se consacrer à ce qui est prioritaire», l'économie, a-t-il ajouté, rappelant au passage qu'il s'agirait des troisièmes élections régionales en Catalogne depuis 2010.

Lors des dernières élections, en 2012, le parti de M. Mas avait perdu du terrain, ne gardant plus qu'une majorité relative. Il a actuellement 50 sièges au Parlement, tandis qu'ERC en a 21, sur 135.

«Je suis sûr que Madrid aurait préféré un désaccord (entre nationalistes) mais nous avons un accord. Le peuple catalan aura en septembre la possibilité de se prononcer», a dit M. Mas.

Le camp de l'indépendance, qui représenterait 44,5% des voix, contre 45,3% pour ceux qui n'y sont pas favorables selon un sondage récent devra cependant également faire face en Catalogne à la montée de Podemos, troisième force politique régionale.

Podemos propose de changer en profondeur les choses mais sans sécession, ce qui pourrait séduire des gens, estime ainsi l'expert Jordi Argelaguet, directeur du Centre d'études de l'opinion (CEO).

Photo JOSEP LAGO, AFP

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