En Grande-Bretagne, le ministère de l'Intérieur veut pouvoir interdire le retour au pays des suspects de terrorisme. Les fournisseurs d'accès internet et de téléphonie mais aussi les écoles et les universités devront aider l'État dans sa traque.

Le ministère de l'Intérieur de Grande-Bretagne se frotte les mains. Les récents attentats en France pourraient en effet lui permettre de faire adopter plus aisément que prévu sa nouvelle loi sur la sécurité et la lutte contre le terrorisme. Après avoir été examinée par la Chambre des communes entre le 26 novembre et le 7 janvier, elle sera étudiée à partir d'aujourd'hui par la Chambre des lords.

La première mesure-phare concerne la liberté de mouvement des citoyens britanniques suspectés de terrorisme. Le Ministère veut pouvoir annuler la validité de leur passeport pendant une période préventive de 30 jours. Ces citoyens pourraient ensuite être interdits pendant deux ans d'entrer au Royaume-Uni ou de le quitter sans autorisation officielle.

Deuxième volet, les fournisseurs d'accès internet et de téléphonie mobile devront fournir les lieux et heures de connexion des suspects à l'internet ou au réseau mobile. Cette mesure a fait bondir l'association des fournisseurs d'accès internet. Son président estime qu'elle coûtera des centaines de millions aux entreprises, et qu'elle permettra seulement «d'attraper des personnes qui écriront des choses fâcheuses sur Twitter ou sur d'autres médias sociaux, mais pas celles qui savent comment cacher leur activité en ligne».

Enfin, les écoles et les universités devront dénoncer les élèves et les étudiants risquant d'être radicalisés. Elles devront également mettre en garde leurs élèves ou leurs étudiants contre les idées extrémistes, y compris non violentes, qui pourraient être utilisées pour justifier le terrorisme. Une requête qui aurait «des implications sur la liberté d'expression et la liberté de l'enseignement», selon le comité parlementaire sur les droits de l'homme.



Un «risque» de violation des droits de la personne

Son président Hywel Francis n'a pas été tendre avec les autorités puisqu'il perçoit «un vrai risque que les droits des citoyens britanniques soient violés. [...] Certains des pouvoirs proposés dans le projet de loi requièrent des garanties supplémentaires». À ses yeux, «il faut s'assurer qu'ils ne soient pas utilisés de manière non raisonnable et doivent permettre aux individus concernés de les contester. Nous ne devons jamais oublier que ce sont des pouvoirs exceptionnels qui pourraient être utilisés par erreur contre chacun d'entre nous».

Au-delà de ces propositions précises, la direction empruntée par les autorités inquiète les associations spécialisées sur la question des libertés individuelles. Comme l'explique la directrice de l'organisation Liberty, Shami Chakrabarti, «il n'y a pas de problème avec les enquêtes concentrées sur les suspects de terrorisme. Mais toutes les propositions gouvernementales de ces dernières années visent à mettre en place une surveillance généralisée de toute la population».

«Moderniser» le projet de loi

Les déclarations dimanche à Paris du premier ministre David Cameron confirment cette tendance. À l'issue de sa participation à la marche, il a énoncé sa volonté de «moderniser» encore un peu plus le projet de loi actuel: «Nous ne pouvons pas permettre les formes nouvelles de communications d'être exemptées de la possibilité d'être écoutées. C'est mon clair point de vue et je légiférerai sur la question si je suis premier ministre après la prochaine élection.»

Les libéraux-démocrates, partenaires des conservateurs au sein de la coalition gouvernementale, avaient fait échouer en avril 2013 sa tentative d'obliger les fournisseurs d'accès internet et de téléphonie à garder les données relatives aux communications, SMS, courriels et activité sur les réseaux sociaux de tous leurs utilisateurs britanniques pendant 12 mois. Le gouvernement a pourtant fait adopter en juillet dernier une loi plus limitée rendant obligatoire la rétention des données liées aux courriels et aux communications téléphoniques.