Les Parisiens n'avaient pas encore absorbé le choc de la veille quand ils se sont réveillés jeudi matin en apprenant l'éclatement d'une autre fusillade meurtrière, en banlieue sud. Un peu après huit heures, un homme a ouvert le feu sur deux policiers municipaux, à Montrouge. Comme la veille, le suspect a réussi à prendre la fuite.

La fusillade a été classée acte terroriste par la justice française.

Une policière est morte de ses blessures, a-t-on confirmé trois heures plus tard. Quittant rapidement une réunion de crise à l'Élysée pour se rendre sur les lieux, le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve a prié les gens de ne pas rapprocher le meurtre de Montrouge avec la tragédie de la veille. Rien ne permet pour l'instant d'établir de lien entre les deux drames.

Le ministre a demandé aux gens du quartier de faire preuve de «maîtrise» et de «sang-froid» afin de faciliter «le dénouement des enquêtes en cours dans les meilleures conditions».

À la base, il s'agissait d'«un incident banal de la voie publique», a expliqué à La Presse David Meserey, vice-président de la CFTC, police municipale. Les deux policiers impliqués intervenaient pour un simple accident routier de routine quand le suspect leur a tiré dessus avec son fusil automatique, sur l'avenue Pierre Brossolette.

«La police municipale n'a pas pu répliquer puisqu'elle n'est pas armée», a précisé David Meserey. Quant au collègue de la défunte, un agent de la voirie, il serait hors de danger après qu'on ait craint pour sa vie.

«Mon mari m'a réveillée. Il m'a dit: il y a eu trois coups de feu et j'ai vu quelqu'un s'enfuir, a raconté à La Presse Dan, une voisine de 32 ans dont le logement dominait la scène du crime. Les policiers et les pompiers sont arrivés et pendant très longtemps, ils ont tenté de réanimer la policière. Je suis choquée (sous le choc).»

Climat de tension

Un peu avant 11 heures, une trentaine d'hommes cagoulés et lourdement armés de la BRI (Brigade de recherche et d'intervention) sont sortis en trombe d'un cortège de véhicules et d'un camion blindé pour sécuriser le périmètre. Leur arrivée musclée a créé un climat de haute tension parmi les gens et les commerçants du voisinage de la porte de Châtillon de Montrouge, situé dans le département Hauts-de-Seine.

Pendant ce temps, les autorités ont confirmé la mort de la policière. «On la connaît. Elle fait partie de la police municipale du quartier. On la croisait souvent», a confié Lizzie Boubli, une mère de famille qui allait reconduire ses enfants à l'école primaire située tout près de la deuxième fusillade meurtrière à éclater à Paris en moins de 24 heures. 

Après avoir entendu les coups de feu, Mme Boubli et d'autres parents ont immédiatement réfugié leurs enfants à l'intérieur de l'école. «C'était un cauchemar. On a vu tout le monde courir. On ne comprenait rien.  C'est tellement arrivé vite. Et avec ce qui est arrivé hier... C'est inadmissible.»

Lizzie Boubli est catégorique. «Moi je suis pour la peine de mort quand il n'y a pas de doute sur les auteurs des actes, il faut réagir. On ne peut plus payer des impôts pour ces gens-là. On commence à avoir peur d'habiter en France, ce n'est pas possible. Et les policiers se font tuer comme des pigeons. Ce n'est pas possible et c'est intolérable», a-t-elle répété.

Déjà, les réactions et avis divergents des Français par rapport au drame qui secoue leur pays créent des tensions politiques et sociales. Marine Le Pen a rappelé qu'elle voudrait proposer un «référendum sur la peine de mort» si jamais elle est élue présidente de la République. Sa vidéo diffusée ce matin sur YouTube suscite beaucoup de réactions opposées. La présidente du Front national y dit que l'attentat funeste de Charlie Hebdo a sans aucun doute été commis «au nom de l'islamisme radical», une «idéologie meurtrière qui fait des milliers de victimes dans le monde».

D'autres politiciens appellent plutôt au calme. «Depuis hier, la terreur s'en est prise auprès des populations. Les gens ont peur dans le métro et devant les écoles. Les musulmans aussi ont peur...Ils ont peur des amalgames», se désole Liliane Graine.

La conseillère municipale de Montrouge a accouru sur le lieu de la deuxième fusillade, tôt ce matin. «Je me suis inquiétée. J'ai une soeur qui habite tout près qui sort à cette heure-là pour aller travailler. C'est pourtant une ville tranquille...»

Selon elle, les Français n'ont pas encore saisi toute l'ampleur et les répercussions qu'aura la tragédie de Charlie Hebdo. «C'est trop dur...c'est bafouer et insulter notre République et notre liberté d'expression. Nous sommes tristes, je suis bouleversée.»

«Mais là, nous sommes tous des Charlie», a-t-elle conclu.