Un groupe d'extrême gauche turc a revendiqué mercredi l'attentat-suicide qui a tué un policier à Istanbul, une semaine après une première attaque manquée qui fait craindre au gouvernement islamo-conservateur une nouvelle campagne de violences contre lui.

Mardi en fin d'après-midi, une femme âgée d'une vingtaine d'années, membre du Parti/Front révolutionnaire de libération du peuple (DHKP-C), s'est fait exploser devant un commissariat du très touristique district stambouliote de Sultanahmet, près de la basilique Sainte-Sophie et de la Mosquée bleue.

Identifiée comme Elif Sultan Kalsen, la «kamikaze» s'est présentée aux policiers comme une touriste en affirmant, en anglais, avoir perdu son portefeuille, selon les autorités.

Jugeant son comportement louche, les agents ont ouvert le feu, blessant la jeune femme à la jambe avant qu'elle ne fasse exploser la charge explosive qu'elle dissimulait. Un policier est décédé, un autre a été plus légèrement atteint.

Dans un message publié sur son site internet, le DHKP-C a justifié l'action de sa «combattante martyre» comme un acte de représailles contre le régime islamo-conservateur au pouvoir depuis 2002 en Turquie.

«Cette attaque a eu lieu parce que les quatre anciens ministres, les voleurs, ont échappé à la justice», a expliqué le groupuscule clandestin.

L'attentat-suicide est intervenu au lendemain de la décision très controversée du Parlement turc de ne pas renvoyer devant la justice quatre ex-membres du gouvernement accusés de corruption dans le cadre du vaste scandale qui a ébranlé fin 2013 le régime du président Recep Tayyip Erdogan, alors premier ministre.

Le DHKP-C a également mis en cause le pouvoir pour la mort d'un adolescent, Berkin Elvan, touché à la tête par des grenades lacrymogènes tirées par la police lors de la contestation anti-régime de l'été 2013.

Mort après un long coma, le jeune homme est devenu pour l'opposition un symbole des violences policières et de la dérive autoritaire de M. Erdogan.

«Rien n'a été fait pour rendre justice à Berkin», a plaidé l'organisation.

«Prendre les armes» 

Le groupe marxiste avait déjà avancé cette explication après la tentative d'attentat manquée perpétrée la semaine dernière par un autre de ses membres devant le palais impérial de Dolmabahçe, un autre site historique très prisé des 10 millions de touristes étrangers qui visitent chaque année Istanbul.

Le 1er janvier, un homme armé avait lancé contre des policiers en faction devant Dolmabahçe, non loin des bureaux stambouliotes du premier ministre Ahmet Davutoglu, deux grenades qui n'avaient pas explosé. Il a été immédiatement arrêté.

Dans le communiqué publié mercredi, le DHKP-C a clairement signalé son intention de poursuivre son offensive contre le régime.

«Nous allons continuer à résister, à combattre et à attaquer. Nous allons prendre les armes et attaquer», a-t-il prévenu, «attendez et regardez».

Directement mis en cause, M. Erdogan s'est interrogé mercredi sur les motivations exactes de son auteur. «Qu'est ce que vous essayez de faire», a lancé l'homme fort du pays lors d'un discours prononcé à Ankara. «Est-ce que vous pensez pouvoir imposer votre idéologie au pays de cette façon ? Non !», a-t-il conclu.

Interdit par les autorités d'Ankara, le DHKP-C a signé depuis les années 1990 une longue série d'attentats dirigés contre l'État, notamment l'assassinat d'un ministre de la Justice.

En février 2013, il avait revendiqué un attentat-suicide à la bombe contre l'ambassade des États-Unis à Ankara, similaire à celui de mardi, qui s'était soldée par la mort du «kamikaze» et d'un agent de sécurité de nationalité turque.

Dès mardi soir, M. Davutoglu a promis une «vaste enquête» pour mettre hors d'état de nuire l'organisation marxiste.

Plus péremptoire, le vice-premier ministre Numan Kurtulmus a dénoncé sur Twitter une «attaque terroriste haineuse» contre la «nouvelle Turquie», reprenant ainsi le slogan du président Recep Tayyip Erdogan, qui dirige sans partage le pays depuis 2003.

La Turquie a récemment renforcé les mesures de sécurité en raison des conflits en cours chez deux de ses voisins, la Syrie et l'Irak, où les jihadistes du groupe État islamique ont pris le contrôle de nombreux secteurs frontaliers.