L'opposant numéro un à Vladimir Poutine, Alexeï Navalny, a été brièvement arrêté mardi alors qu'il se rendait à la manifestation organisée par ses partisans près du Kremlin, à Moscou, après la condamnation dont lui et son frère ont fait l'objet au terme d'un procès critiqué par l'UE.

Le blogueur charismatique au verbe nationaliste et pourfendeur de la corruption en Russie avait bravé l'interdit en tentant de rejoindre les centaines de manifestants rassemblés à proximité de la place du Manège, sous les murailles du Kremlin.

Assigné à résidence depuis février, il lui était interdit de quitter son domicile et il risquait fort de rejoindre en détention son frère condamné dans la matinée à une peine de prison ferme.

Portant une doudoune sombre et un bonnet gris, l'avocat, âgé de 38 ans, a pu parcourir une grande avenue de la capitale, entouré de ses fidèles, jusqu'au moment où plusieurs policiers l'ont arrêté et jeté manu militar2i dans un car de police garé près de la place du Manège, entourée d'un impressionant cordon de forces de l'ordre, selon les images de la télévision indépendante Dojd.

«Je vous appelle tous à ne pas partir. Ils ne pourront pas arrêter tout le monde», a lancé M. Navalny après son interpellation alors que des centaines de ses partisans étaient toujours rassemblés aux abords de la place, selon une journaliste de l'AFP.

Une manifestation similaire en plein centre de Saint-Pétersbourg, deuxième ville de Russie, a réuni mardi soir quelque 600 personnes et s'est déroulée sans incidents majeurs, selon une journaliste de l'AFP.

Peu après son arrestation, l'opposant a cependant indiqué sur Twitter avoir été conduit à son domicile par les policiers dont plusieurs sont restés, selon lui, aux portes de son appartement pour l'empêcher de ressortir.

Au total plus de 130 personnes ont été arrêtées, lors de la manifestation, selon une ONG, considérée comme fiable en ce qui concerne les bilans des arrestations en Russie.

La police de Moscou, qui a quadrillé le centre de la capitale, plaçant barrières métalliques, filtrant les passages et fermant des sorties de métro, a confirmé une centaine d'arrestations.

Vers 18 h 30 GMT (13 h 30 heure de Montréal), la manifestation était terminée et seule une vingtaine de personnes restaient encore sur place, selon une journaliste de l'AFP.

Justice aux ordres du Kremlin ?

L'arrestation d'Alexeï Navalny intervient au terme de 24 heures riches en surprises et rebondissements, et en épilogue d'une année que la Russie du président Poutine a marquée de son empreinte, de l'annexion de la Crimée au conflit dans l'est de l'Ukraine sur fond de détérioration de ses relations avec les Occidentaux.

L'Union européenne a critiqué la condamnation de l'opposant, estimant que le «verdict de culpabilité (...) semble avoir une motivation politique».

Les États-Unis se sont dits «troublés par le verdict» qualifiant de «développement inquiétant» la condamnation de l'opposant numéro un au Kremlin.

Accusé par ses détracteurs d'être soutenu par l'Occident pour provoquer un changement de régime en Russie, Alexeï Navalny, avocat de formation, était poursuivi avec son frère cadet Oleg accusés d'avoir escroqué près de 400 000 euros (564 000 dollars) à une filiale russe de la société française de cosmétiques Yves Rocher en surfacturant en 2008 leurs services alors qu'ils géraient une entreprise de transport.

La lecture du jugement, prévu le 15 janvier, avait été avancée à mardi pour, selon ses avocats, couper l'herbe sous le pied des partisans de Navalny qui appelaient à manifester en masse dans le centre de Moscou.

Mardi matin, le tribunal de Moscou avait condamné les deux frères à trois ans et six mois de prison. Mais alors que l'opposant s'était vu infliger une peine de prison avec sursis, son frère était condamné à une peine de prison ferme.

Prenant la parole devant le tribunal, Alexeï Navalny a fustigé une justice aux ordres du pouvoir qui s'en prend non seulement aux opposants, mais aussi à leurs proches, otages de la situation. «Ce régime ne mérite pas d'exister, il doit être détruit», a-t-il alors lancé appelant ses soutiens à descendre dans la rue.

Plus de 18 000 membres du réseau social Facebook avaient annoncé leur participation à la manifestation.

Le jugement contre les deux frères constituait une surprise d'autant plus grande que le parquet russe avait requis au départ une peine de huit ans de prison pour Oleg Navalny, moindre que celle requise contre l'opposant, dix ans de prison.

«De tous les jugements qui auraient pu être rendus, celui-ci était le plus lâche», a dénoncé l'opposant.

A 38 ans, Alexeï Navalny est considéré comme le plus charismatique et le plus farouche opposant au président russe, même si sa popularité et son influence sont plus que limitées en Russie où les médias indépendants et partis d'opposition ont été réduits comme une peau de chagrin pendant les quinze ans de pouvoir de Vladimir Poutine.

L'entreprise française Yves Rocher avait porté plainte, avant  de préciser par la voix de Christian Melnik, directeur financier de sa filiale russe, n'avoir subi «aucun dommage» à la suite de sa collaboration en 2008 avec la société de transport des frères Navalny, Glavpodpiska. Ces derniers étaient accusés d'avoir détourné 27 millions de roubles (564 000 dollars).