Des dizaines de milliers de personnes ont manifesté vendredi en Italie lors d'une grève générale contre les mesures économiques et sociales du gouvernement de centre-gauche de Matteo Renzi, qui entend poursuivre ses réformes malgré la pression des syndicats.

«Nous sommes prêts au dialogue mais nous sommes déterminés. Il y a un pays à changer et nous allons le changer, nous ne nous laisserons pas impressionner, nous continuerons à aller de l'avant la tête haute», a déclaré M. Renzi vendredi soir devant la presse.

Cette grève générale de huit heures organisée par deux grandes confédérations syndicales était la première depuis son arrivée au pouvoir en février.

«Si nous renvoyons les réformes, nous nous condamnons à un lent déclin. Il faut avoir le courage de changer les choses», avait-il déclaré dans la matinée devant la presse italienne au cours d'un déplacement en Turquie.

La principale cible de la colère syndicale reste le «Jobs Act», la réforme du marché du travail voulue par M. Renzi pour encourager les embauches. La loi prévoit de faciliter les licenciements et de réduire les droits et protections des salariés dans leurs premières années de contrat.

Mais le texte a été définitivement adopté par le Parlement la semaine dernière et la journée de grève, qui fait suite à des rassemblements parfois massifs dans les rues de Rome depuis un mois et demi, est donc désormais essentiellement symbolique.

Les syndicats dénoncent aussi le projet de budget 2015, jugeant ses mesures de relance de l'économie insuffisantes.

En toile de fond, le mécontentement vient aussi du choix de Matteo Renzi de mettre fin à la concertation avec les confédérations syndicales et au marchandage qu'elles ont imposé pendant des décennies à tous les gouvernements sur de nombreux sujets.

«Le gouvernement commet une erreur en éliminant la discussion et la participation» des syndicats à l'élaboration des lois, a affirmé vendredi Susanna Camusso, secrétaire générale de la CGIL (gauche), principale confédération italienne.

«Le gouvernement doit choisir entre le conflit et le dialogue», a-t-elle insisté.

«La grève générale d'aujourd'hui est sans aucun doute le signe d'une tension notable entre le gouvernement et les syndicats», a relevé le président de la République Giorgio Napolitano.

Centaines de vols annulés 

Selon des sources syndicales, il y avait 50 000 manifestants à Milan, 70 000 à Turin, 40 000 à Rome, 50 000 à Naples, 15 000 à Palerme, et une cinquantaine de manifestations au total devaient se dérouler dans la journée. Les forces de l'ordre italiennes ne donnent pour leur part jamais d'estimation.

De brefs heurts ont opposé des manifestants aux forces de l'ordre à Milan, Turin et Rome.

Dans la capitale italienne, les manifestants ont fait voler de nombreux ballons représentant M. Renzi avec un grand nez de Pinocchio, mais le rassemblement était déjà fini à la mi-journée.

La grève a été lancée à l'appel de la CGIL et de la UIL (modérée), la troisième plus importante du pays. Une autre confédération, l'UGL (droite), plus petite, est venue se joindre au mouvement.

La CISL (catholique), deuxième confédération plus importante en Italie, ne s'est pas associée au mouvement, le jugeant contre-productif et plaidant plutôt pour «un grand pacte social».

De nombreux secteurs du public et du privé ont été touchés par cette grève, essentiellement les transports.

Des centaines de vols, notamment vers l'Europe, ont dû être annulés ou reprogrammés, tandis que les transports en commun ont surtout assuré le service minimum garanti par la loi aux heures de pointe.

Les appels à la grève générale sont fréquents en Italie. La dernière grève générale unitaire remonte à décembre 2011, contre le gouvernement de Mario Monti soutenu par la gauche, mais elle n'avait duré que trois heures.

S'il a dû batailler ferme contre les syndicats et l'aile gauche de son parti pour faire adopter la réforme du marché du travail, M. Renzi a vu ses efforts salués par de nombreux dirigeants européens et à Bruxelles.

Il doit encore faire adopter le budget avant la fin de l'année, et le début de 2015 s'annonce plus difficile avec l'adoption prévue de réformes institutionnelles délicates, comme la suppression du Sénat et une nouvelle loi électorale.