Les députés français ont adopté mardi à une large majorité une résolution sur la reconnaissance de l'État palestinien, un texte non contraignant, mais à forte portée symbolique, qui a suscité le courroux d'Israël et la satisfaction des Palestiniens.

L'Assemblée nationale française a adopté par 339 voix contre 151 une résolution invitant le gouvernement à reconnaître officiellement l'État palestinien, «en vue d'obtenir un règlement définitif du conflit». Quelque 68 députés n'ont pas pris part au vote de ce texte, initié par la majorité socialiste, pour qui cette démarche est «un signal de paix» visant à «surmonter la paralysie» d'un processus de paix moribond.

L'ambassade israélienne à Paris a immédiatement réagi en estimant dans un communiqué que cette initiative «éloignait les possibilités de paix» et constituait un «message erroné». Pour l'État hébreu en effet, la reconnaissance de la Palestine avant tout règlement du conflit est une «grave erreur», et procède d'une «décision unilatérale» qui ne peut qu'aggraver la situation.

À Ramallah, l'Autorité palestinienne a pour sa part salué le vote de l'Assemblée française. Hanane Achraoui, une dirigeante de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), a exprimé dans un communiqué «sa gratitude au peuple français» et appelé «le gouvernement français à traduire le vote de son parlement en acte».

Le vote de l'Assemblée nationale intervient après des initiatives similaires en Grande-Bretagne et en Espagne, où les députés ont également demandé à leurs gouvernements de reconnaître la Palestine.

Ces démarches non contraignantes s'inscrivent dans un mouvement croissant en Europe considérant la reconnaissance comme un moyen de faire pression pour relancer le processus de paix et sauver la solution des deux États israélien et palestinien, menacée par la poursuite de la colonisation et la multiplication des violences.

«Les accords d'Oslo (de 1993) sont devenus chimériques, c'est l'enlisement qui prévaut», a expliqué avant le vote le député socialiste François Loncle, estimant que le texte visait à relancer la mobilisation en faveur d'un règlement du conflit.

L'opposition de son côté, favorable au principe d'un État palestinien, a cependant douté de l'opportunité d'une telle initiative dans un contexte explosif, et mis en garde contre l'importation du conflit israélo-palestinien en France, pays qui abrite les plus fortes communautés juive et musulmane en Europe. «C'est se moquer du monde de penser que ce texte aura un quelconque effet sur le processus de paix», a lancé le chef de file de la droite à l'Assemblée, Christian Jacob.

Tractations à l'ONU

Devant les députés, le chef de la diplomatie française Laurent Fabius avait assuré vendredi que Paris reconnaîtrait l'État palestinien, sans cependant s'engager sur un délai.

«Si les efforts (de négociation) échouent, alors il faudra que la France prenne ses responsabilités en reconnaissant sans délai l'État de Palestine», avait-il déclaré, alors que Paris se veut à la manoeuvre diplomatique sur ce dossier.

M. Fabius a relancé l'idée d'organiser une conférence internationale sur le Proche-Orient, sans toutefois donner d'indications sur une date et les participants.

Mais les enjeux diplomatiques se situent actuellement à l'ONU, où les Palestiniens veulent soumettre au Conseil de sécurité un texte réclamant la fin de l'occupation israélienne en novembre 2016.

Ce projet, soutenu par la Ligue arabe, risque de se heurter au veto américain. Afin d'éviter la confrontation, la France promeut, avec ses partenaires européens, un texte alternatif pour relancer les négociations de paix. Selon le représentant palestinien à l'ONU, Riyad Mansour, ce texte devrait fixer un délai pour des négociations et pourrait être soumis au Conseil de sécurité mi-décembre.

«Nous devons fixer un calendrier, car en l'absence de calendrier comment convaincre qu'il ne s'agira pas d'un énième processus sans perspectives réelles?», avait déclaré M. Fabius vendredi, mentionnant un délai de deux ans pour que la négociation aboutisse.

Washington pour des négociations directes avec Israël

Les États-Unis ont réagi avec prudence mardi au vote de l'Assemblée nationale française en faveur de la reconnaissance d'un État palestinien, réaffirmant leur attachement à des négociations directes entre Israël et les Palestiniens.

La porte-parole du département d'État Marie Harf n'a pas formellement condamné la résolution votée par une large majorité de députés français, soulignant simplement que ce texte n'était «pas contraignant» et que «la position du gouvernement français sur cette question n'avait pas changé».

Quant à «la position des États-Unis», elle est «claire», a rappelé la responsable américaine lors de son point de presse quotidien: «Nous soutenons un État palestinien, mais seulement via des négociations directes entre les parties qui règlent les questions liées au statut final» avec deux États israélien et palestinien, a insisté Mme Harf.

Washington défend régulièrement le principe de cette solution à deux États, au terme d'un processus de dialogue direct entre Israël et les Palestiniens.

Mais toutes les administrations américaines se sont cassé les dents depuis 20 ans sur ce processus de paix israélo-palestinien et le secrétaire d'Etat John Kerry a dû jeter l'éponge en avril dernier après neuf mois d'efforts intenses.

Les députés français ont adopté mardi à une large majorité une résolution sur la reconnaissance de l'État palestinien, un texte non contraignant mais à forte portée symbolique, qui a suscité le courroux d'Israël et la satisfaction des Palestiniens.

Après des actions identiques en Europe, la Suède ayant officiellement reconnu un État palestinien, la porte-parole de la diplomatie américaine a toutefois concédé que «de plus en plus de gens dans le monde s'expriment pour dire que le statu quo est inacceptable».

«Nous l'avons dit. Beaucoup l'ont dit. Mais nous croyons fermement que le chemin pour arriver à deux États passe par des négociations directes», a martelé Mme Harf.