Le pape François est arrivé vendredi en Turquie pour une visite de trois jours. Il tentera de se rapprocher de l'Église orthodoxe et d'avoir l'aide de la Turquie pour les communautés chrétiennes apostoliques menacées par l'extrémisme islamiste. Une visite dans un camp de réfugiés syriens et irakiens est même possible. Mais l'ombre des propos controversés de Benoît XVI sur l'islam en 2006 plane, car François vient d'invoquer l'héritage chrétien de l'Europe, lors d'un discours au Parlement de Strasbourg.

Islamophobie

En 2006, Benoît XVI avait, dans un discours en Turquie, cité une lettre antimusulmane d'un empereur byzantin. Son but était de condamner ce point de vue, mais cette subtilité n'a pas été retenue par l'opinion publique musulmane, qui avait fortement réagi. Mardi dernier, au Parlement européen de Strasbourg, François a déclaré que «2000 ans d'histoire lient l'Europe au christianisme» et que ces racines chrétiennes sont le seul antidote à l'extrémisme religieux. Ces précédents risquent de rendre délicates les discussions du pape avec le gouvernement turc, qui a réclamé que l'Église lutte contre l'«islamophobie» en Europe. «La paranoïa islamophobe qui se répand dans l'opinion publique occidentale est utilisée comme prétexte pour de l'intimidation, de la discrimination, de l'aliénation et des attaques réelles contre nos frères et soeurs musulmans vivant en Occident», a déclaré un haut fonctionnaire turc, Mehmet Görmez. Le pape François fait une offensive de charme tous azimuts cette fin de semaine, rencontrant des dignitaires juifs, orthodoxes et musulmans.

Islamistes

Une visite à des camps de réfugiés irakiens et syriens, à quelques kilomètres de la zone contrôlée par le groupe État islamique, a été évoquée par le Vatican, mais ne fait pas partie du programme officiel. Cette semaine, François a tergiversé au sujet des frappes aériennes occidentales en Syrie et en Irak. Alors qu'il les avait appuyées du bout des lèvres cet été, il a qualifié, mardi, lors de son voyage à Strasbourg, de «terrorisme d'État» les opérations militaires faisant des victimes civiles, en référence à ces frappes aériennes. Questionné à nouveau hier à son arrivée en Turquie, il est revenu sur ses positions antérieures, affirmant qu'il est «licite d'arrêter un agresseur injuste», mais que la solution ne pouvait être «uniquement militaire».

Palais

Le pape François s'est fait une réputation d'humilité dès son élection, préférant une chambre d'hôtel spartiate aux somptueux appartements papaux. Son hôte turc, le président Recep Tayyip Erdogan, lui, fait dans le faste avec un nouveau palais présidentiel, construit à Ankara au coût de 1,3 milliard de livres turques, soit plus de 600 millions de dollars. François a été le premier chef d'État étranger à y être reçu. Il y est arrivé dans une humble Volkswagen, ayant refusé la limousine normalement prévue pour les hôtes de marque. Les médias turcs se sont déchaînés contre le luxe du palais présidentiel, dont la superficie dépasse deux millions de pieds carrés, soit la moitié de l'État du Vatican. La Chambre des architectes turcs a demandé au pape de refuser d'aller au palais, mais le Vatican a indiqué que François se rendrait là où il serait invité par M. Erdogan.

Jean-Paul II

L'homme qui a tenté d'assassiner Jean-Paul II en 1981, Mehmet Ali Agça, a demandé publiquement une rencontre avec François, cette semaine. Le Vatican n'a pas répondu officiellement. Agça a été amnistié par l'Italie en 2000, mais a ensuite été condamné en Turquie pour l'assassinat d'un journaliste et deux vols de banque pour le compte d'une organisation d'extrême droite turque. Il est en liberté depuis 2010. Jean-Paul II avait publiquement pardonné à son agresseur en 1983 en le visitant en prison. «Le pape François, qui veut encourager la paix et la fraternité alors que le monde vit une crise politique, économique et humanitaire, est le bienvenu en Turquie», a dit M. Agça.