Sous pression des courants europhobes et des chiffres de l'immigration, David Cameron a proposé vendredi de juguler l'afflux de travailleurs européens en limitant leur accès aux prestations sociales, et mis dans la balance l'avenir du Royaume-Uni au sein de l'Union européenne.

«Nous voulons créer le système le plus intransigeant d'Europe pour contrer les abus de la libre circulation» et «freiner l'afflux exceptionnellement élevé d'immigrés venus du reste de l'UE», a martelé le premier ministre britannique dans un discours très attendu mais que certains attendaient plus musclé.

Le plan nécessitera un changement des traités européens, a-t-il admis, ce qui rend sa mise en oeuvre incertaine.

«Il faudra l'accord de l'ensemble des États membres. Ce n'est pas impossible. Mais ça ne sera pas facile et nécessitera sans doute des compromis de la part de Cameron», a commenté Steve Peers, professeur en droit à l'Université d'Essex.

«Je doute que les 27 (autres) pays de l'UE adhèrent point par point au plan de David Cameron», a également estimé le vice-premier ministre Nick Clegg (libéral-démocrate).

«Je suis confiant dans nos facultés de le négocier», a tranché le premier ministre, qui s'est entretenu avant son discours avec la chancelière allemande Angela Merkel, la première ministre polonaise Ewa Kopacz et le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker.

Prenant acte des annonces, l'UE s'est dite prête à discuter «avec calme et prudence» et «sans claquer la porte».

Dans le détail, ces propositions préconisent un délai de quatre ans avant que les immigrés puissent accéder à certains avantages, comme le crédit d'impôt ou le logement social, une mesure visant d'abord les travailleurs peu qualifiés venus en particulier de l'est de l'Europe.

Jeudi, l'Office National des Statistiques (ONS) a révélé une envolée de 468% du nombre de Roumains entrés au Royaume-Uni entre juin 2013 et juin 2014. Le solde positif migratoire toutes nationalités confondues s'établit à 260 000 (+39%), réduisant en cendres les promesses du gouvernement de le ramener sous la barre des 100 000 par an.

«Un immigré ne devrait pas venir au Royaume-Uni sans offre d'emploi» et sera prié de quitter le pays au bout de six mois s'il n'a pas trouvé de travail, a ajouté M. Cameron.

Sur l'UE, Cameron «n'exclut rien» 

«Les Britanniques ne veulent ni une immigration débridée ni une immigration zéro : ils veulent une immigration contrôlée», a-t-il souligné, brièvement interrompu par le déclenchement d'une alarme. Celle qui sonne «à la Commission européenne», a-t-il plaisanté.

D'autres pistes évoquées, comme instaurer un plafond sur le nombre d'immigrés, ont en revanche été abandonnées, face à l'opposition ferme de ses partenaires européens qui lui ont rappelé le caractère intangible du principe de libre circulation des personnes en Europe.

Malgré ce renoncement, le discours de David Cameron a été accueilli plutôt favorablement par l'aile eurosceptique de son parti, même si elle ne s'en contentera sans doute pas. «Ce sont de bonnes mesures. Mais seront-elles suffisantes?», s'est interrogé l'ancien ministre conservateur Gerald Howarth.

Face au risque de blocage par l'UE, M. Cameron a insisté sur «la nécessité absolue» de réformes. À défaut, «si nos préoccupations tombent dans l'oreille d'un sourd», il «n'exclut rien» et menace de faire campagne pour une sortie de l'UE lors du référendum qu'il a promis pour 2017 en cas de victoire de son parti conservateur aux législatives de mai.

Sa réélection est toutefois encore loin d'être assurée. Les travaillistes disposent d'une légère avance dans les sondages tandis que le parti europhobe Ukip, qui a fait de l'immigration son principal cheval de bataille, fait figure d'épouvantail après avoir remporté les européennes en mai.

Sa progression a conduit tous les partis traditionnels à durcir leur discours sur la question, y compris les travaillistes.

Le leader de l'Ukip, Nigel Farage qui fustige régulièrement la «faillite totale» de David Cameron sur l'immigration, a répété vendredi qu'aucun contrôle des flux migratoires ne serait possible tant que le Royaume-Uni ferait partie de l'UE.

Très critique également, le Parti travailliste a accusé M. Cameron de se limiter à des effets d'annonce au lieu de s'en prendre aux employeurs qui «exploitent l'immigration» et cassent les salaires.