À peine une semaine après la révélation du scandale de corruption lié à l'octroi de visas «dorés» à de riches étrangers, le Portugal est secoué par une nouvelle affaire politico-financière, avec l'arrestation de l'ancien Premier ministre socialiste José Socrates.

La nouvelle de l'interpellation de celui qui se présente lui-même comme un «animal féroce» a fait l'effet d'une bombe au sein du monde politique, fragilisé par une série d'enquêtes judiciaires éclaboussant les hautes sphères de l'État.

José Socrates, 57 ans, qui a dirigé le pays de 2005 à 2011, a été arrêté vendredi soir lors de son arrivée à l'aéroport de Lisbonne, à la descente d'un avion en provenance de Paris, dans le cadre d'une enquête pour fraude fiscale, blanchiment d'argent et corruption.

L'ancien chef du gouvernement, le premier du Portugal à subir un tel sort, a été présenté au juge samedi et s'apprêtait à passer sa deuxième nuit au poste de police.

Trois autres suspects ont été arrêtés dès jeudi, à savoir l'homme d'affaires Carlos Santos Silva, l'avocat Gonçalo Trindade Ferreira et le chauffeur de M. Socrates, Joao Perna.

Une série de perquisitions ont été menées, notamment au domicile de M. Socrates à Lisbonne. L'enquête porte sur des opérations bancaires et des transferts d'argent d'origine inconnue, selon le ministère public.

L'affaire met dans l'embarras le maire de Lisbonne, Antonio Costa, l'un des proches de M. Socrates qui a été élu samedi soir avec 96% des voix des militants secrétaire général du Parti socialiste, principale formation d'opposition.

«Nous sommes certainement tous sous le choc de la nouvelle», mais «il ne faut pas confondre des sentiments personnels de solidarité et d'amitié avec l'action politique du PS», a-t-il estimé dans un message aux militants.

Image écornée

Selon la presse portugaise, la justice se penche notamment sur le coût d'un appartement de luxe à Paris où M. Socrates avait vécu en 2012 pour poursuivre des études de philosophie à Sciences Po.

Le parquet général a précisé qu'il n'y avait aucun lien avec l'opération Monte Branco, un coup de filet anticorruption ayant entraîné l'arrestation en juillet de l'ancien PDG de la banque Espirito Santo (BES), Ricardo Salgado.

Mis en cause par la presse dans cette affaire en juillet, José Socrates avait fustigé une campagne de «diffamation»: «Je n'ai pas de capitaux et pas de compte à l'étranger. J'ai le même compte bancaire depuis plus de 25 ans», avait-il assuré.

José Socrates s'est trouvé impliqué dans plusieurs controverses qui ont écorné son image au fil de six années de pouvoir, mais il était toujours passé à travers les mailles du filet.

Son nom a été ainsi cité dans une enquête pour corruption remontant à l'époque où il était ministre de l'Environnement et avait donné son aval à la construction en 2002 d'un centre commercial dans une zone protégée. L'affaire a été classée en 2010.

Personnage haut en couleur, José Socrates avait annoncé sa démission du poste de premier ministre en mars 2011, après le rejet au Parlement d'un nouveau programme d'austérité budgétaire.

Peu après, le Portugal, au bord de la faillite, avait été contraint de demander une aide financière de 78 milliards d'euros à l'Union européenne et au Fonds monétaire international, en échange d'un programme de rigueur sur trois ans.

José Socrates avait essuyé un échec cuisant lors des élections législatives anticipées de juin 2011, remportées haut la main par le Parti social-démocrate (PSD, centre droit) de l'actuel Premier ministre Pedro Passos Coelho.

L'enquête sur M. Socrates intervient peu après l'arrestation de plusieurs hauts responsables de l'État dans une affaire de corruption qui a fait apparaître au grand jour des pratiques occultes dans l'attribution des visas «dorés», des permis de séjour réservés aux investisseurs étrangers.

Ce scandale a coûté sa place au ministre de l'Intérieur, Miguel Macedo, qui a démissionné dimanche sans être visé directement par l'enquête, et au directeur de la police des frontières, Manuel Jarmela Palos, placé en détention.