Le premier ministre roumain Victor Ponta, critiqué pour son double langage sur les valeurs démocratiques, est favori pour remporter les élections présidentielles de dimanche, mais un fort taux de participation pourrait changer la donne.

Le social-démocrate, ancien procureur de 42 ans, est crédité de 54% des intentions de vote à ce deuxième tour du scrutin, selon les derniers sondages publiés par son camp.

Le challenger est Klaus Iohannis, 55 ans, maire de la ville médiévale de Sibiu (centre) issu de la minorité allemande

Tout semble jouer en faveur de M. Ponta: son expérience politique, un accès aux ressources gouvernementales lui ayant permis, selon ses détracteurs, de multiplier les «cadeaux électoraux», le soutien de la très influente Église orthodoxe et l'embellie économique, confirmée vendredi par l'Institut des statistiques.

Son rival est quant à lui complètement atypique sur la scène politique: taciturne et mal à l'aise devant les caméras, il s'est tenu à l'écart des polémiques, alors qu'il était accusé de ne pas être un «vrai Roumain» ou qu'on lui reprochait sa confession protestante.

Mais selon les analystes, les jeux ne sont pas faits.

«La clé de ce second tour est la mobilisation», estime Cristian Ghinea, directeur du Centre roumain pour des politiques européennes.

«Si les électeurs des grandes villes, qui sont plutôt favorables à l'opposition, se mobilisent, Iohannis a une chance», a-t-il indiqué à l'AFP.

Au premier tour, seuls 53% des électeurs s'étaient rendus aux urnes.

Pression de la rue

Autre grande inconnue, le vote de la diaspora, forte d'environ trois millions de personnes, mais dont 160 000 seulement ont pu exprimer leurs suffrages au premier tour en raison du nombre insuffisant de bureaux de vote. 46% avaient voté pour Klaus Iohannis et 15,8% pour Victor Ponta.

Sous la pression de milliers des manifestants qui ont demandé qu'on «respecte le droit de vote», le ministre des Affaires étrangères Titus Corlatean a démissionné. Mais les craintes que cette débâcle se reproduise dimanche sont vives.

Vendredi soir, des milliers de Roumains, surtout des jeunes, sont retournés dans la rue pour exiger un vote libre. Au même moment, le président conservateur sortant Traian Basescu a appelé à aller voter en masse afin d'empêcher que la Roumanie ne «tombe entre les mains de démagogues».

Il y a cinq ans, ce sont les voix de la diaspora, généralement favorable à la droite, qui avaient fait pencher la balance en faveur du chef de l'État, qui ne peut plus se représenter après deux mandats.

-Inquiétude pour la justice- Ce scrutin est considéré comme crucial dans cet ancien pays communiste, à un moment où la démocratie a subi des revers dans certains pays d'Europe centrale, Hongrie en tête, et où les tensions sont vives entre Bruxelles et Moscou en raison de la crise ukrainienne.

Une victoire de Victor Ponta équivaudrait à une concentration des pouvoirs entre les mains du Parti social-démocrate (PSD, ex-communiste), qui dispose avec sa coalition de gauche d'une large majorité au Parlement.

Cette toute-puissance inquiète la justice qui a réalisé d'énormes progrès dans la lutte contre la corruption. Car si Victor Ponta dit respecter son indépendance, il a plusieurs fois critiqué le travail du parquet anticorruption (DNA), qu'il juge partisan, et son gouvernement a déjà essayé de brider ses pouvoirs.

M. Iohannis a de son côté promis de consolider l'État de droit et d'attirer davantage de capitaux étrangers, comme il l'a fait à Sibiu.

Quel que soit le gagnant, le nouveau président devra oeuvrer pour réformer les structures économiques et l'administration inefficace de ce pays de 20 millions d'habitants, le plus pauvre de l'Union européenne après la Bulgarie.

Les bureaux de vote pour ces septièmes élections présidentielles depuis la chute du régime de Nicolae Ceausescu ouvrent à 7h00 locales et ferment à 21h00.

Les premiers résultats partiels seront publiés dans la nuit de dimanche à lundi.