Fort de la mobilisation enregistrée dimanche pour un vote symbolique, le président nationaliste catalan Artur Mas réclame un vrai référendum sur la séparation d'avec l'Espagne, mais Madrid fait la sourde oreille.

Pour les analystes, Artur Mas a gagné un set, mais le match entre dirigeants espagnol et catalan ne fait que commencer. Et c'est au chef du gouvernement Mariano Rajoy de servir.

La presse en Catalogne comme à Madrid le pressait lundi d'abandonner son immobilisme et de chercher une issue politique à la crise catalane qui s'envenime et nourrit l'indépendantisme.

Alors que le décompte des voix se poursuivait, Artur Mas s'est félicité d'avoir attiré aux urnes plus de deux millions des 5,4 millions de Catalans susceptibles de voter pour un scrutin pourtant interdit par le gouvernement.

«C'est un pas de géant», a-t-il lancé. «La Catalogne a démontré une fois de plus qu'elle veut se gouverner seule».

«Nous demandons au monde de nous aider à convaincre les institutions espagnoles du fait que la Catalogne mérite d'avoir un référendum pour décider de son avenir».

«Nous méritons de voter lors d'un référendum légal», a répété le dirigeant qui invoque l'exemple des référendums écossais et québécois, d'ailleurs perdus par les indépendantistes.

Madrid jusqu'à présent ne veut rien entendre.

«Les citoyens ont été invités à prendre part à un simulacre inutile et stérile», a répliqué le ministre de la Justice Rafael Catala au nom du gouvernement. Le vote de dimanche était «une journée de propagande politique organisée par des forces favorables à l'indépendance».

Madrid avait saisi par deux fois le Tribunal constitutionnel pour tenter d'empêcher cette consultation. Pour lui, ce n'était qu'un référendum qui ne disait pas son nom et que la constitution interdit, contrairement au Canada et à la Grande-Bretagne.

Plusieurs responsables du parti conservateur du pouvoir, le Parti populaire, ont même déclaré lundi qu'il y aurait des poursuites pour désobéissance civile contre ses organisateurs. «Celui qui viole la loi doit faire face aux conséquences», a assuré Alicia Sanchez Camacho, qui dirige le PP en Catalogne.

Des résultats pas concluants

Mais au-delà du succès de la mobilisation, les résultats du vote en eux-mêmes ne sont pas concluants.

Le chiffre provisoire de 1,6 million de oui à une Catalogne indépendante correspond à peu près au 1,7 million de voix totalisées par les partis indépendantistes aux dernières élections régionales de 2012. Et cette fois-ci, le vote avait été ouvert aux jeunes de 16 à 18 ans et aux étrangers.

Les résultats définitifs ne seront connus que fin novembre.

Pour le politologue de l'Université autonome de Madrid, Fernando Vallespin, «cela montre que le peuple catalan veut voter» sur l'indépendance, «mais de là à démontrer qu'il veut l'indépendance, c'est autre chose».

Les partis qui l'ont convoqué «pensaient obtenir beaucoup plus», affirme Gabriel Colome, politologue de l'Université autonome de Barcelone. «Ça veut dire que dans un hypothétique référendum en bonne et due forme, ils auraient un problème».

Néanmoins, Mas sort vainqueur de cette journée, estime-t-il. Il a organisé un vote le 9 novembre comme il l'avait promis il y a deux ans. Les partis et des associations indépendantistes qui lui reprochaient de se contenter d'un scrutin symbolique ont dû s'aligner derrière lui.

«Si on compare ceci à une partie de tennis en cinq sets, Artur Mas a gagné hier le premier set. Maintenant s'ouvre le deuxième et c'est à Mariano Rajoy de jouer».

Il peut continuer à invoquer la constitution comme il l'a fait jusqu'à présent, ou jouer un jeu politique. «Mais là, nous ne savons pas quelle est la marge de manoeuvre du gouvernement espagnol», à un an des élections législatives.

L'appel d'Artur Mas à la communauté internationale n'a pas reçu d'écho favorable.

«Nous voulons que l'Espagne reste unie», a déclaré lundi le premier ministre britannique David Cameron. «Des référendums doivent être organisés dans le cadre de la constitution et de la loi».