Au retour de sa visite au Canada, François Hollande a tenté une opération charme à la télévision française, alors qu'il est au plus bas dans les sondages. Un échec, selon beaucoup d'experts français, explique notre correspondante.

«Il va s'enfoncer encore plus dans l'impopularité, lance le sociologue Denis Muzet. Il voulait faire cette émission pour se rapprocher des Français. Or, il a échoué son rendez-vous de proximité. Il était à côté de la plaque.»

Dans le cadre d'une émission spéciale diffusée jeudi soir, François Hollande a répondu en direct sur TF1 et RTL aux questions de trois journalistes et de quatre citoyens, dont un chômeur et un chef d'entreprise.

«Il n'était manifestement pas préparé à répondre à des questions brutales sur ses escapades en scooter [supposément avec l'actrice Julie Gayet] et les sans-dents [sa façon de décrire les pauvres selon son ex-conjointe, Valérie Trierweiler]», dit Denis Muzet, président de l'Institut Médiascopie.

«Non seulement ce genre d'émission a un effet de 24 ou 48 heures, mais ce n'est pas une opération réussie», renchérit Christian Delporte, historien de la communication politique.

Le président de la République aurait même dû éviter d'aller devant les caméras, selon lui. «On va à la télévision pour dire quelque chose et surprendre. Quand on n'a rien à annoncer, il ne faut pas y aller [...]. La communication ne précède pas la politique. Elle l'accompagne», fait valoir le professeur à l'Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines.

Une grande promesse

Le président a néanmoins annoncé de petits engagements politiques, notamment sur l'emploi, le gel des impôts et l'enquête sur la mort d'un militant écologiste. Il a même promis de ne pas se porter candidat à la présidentielle de 2017 si le chômage ne s'amenuise pas. Une erreur «terrible» de donner des échéances précises, selon Christian Delporte. «Si cela ne se redresse pas, ce sera désastreux en termes d'image.»

Le sociologue Denis Muzet croit aussi que Hollande devrait plutôt parler «de patience pour voir une lumière d'espoir au bout du tunnel».

À l'inverse, François Jost, directeur de la revue Télévision, croit que la campagne de séduction de François Hollande «est plutôt réussie du côté de sa personnalité». «C'est moins ce qu'il a dit qui compte, mais comment il a dit son discours.»

Selon le professeur en communication à l'Université Sorbonne Nouvelle, Hollande a su dégager son sens de l'écoute et son empathie pour les gens. «Il a montré sa sincérité de travailler pour le sort de la France et même pour son successeur [...]. La franchise et la sincérité sont ses qualités. Il ne pouvait pas feindre hier de dire: ça va bien aller. C'est la seule chose sur laquelle il peut convaincre les gens.»

«Il a parlé de la France, mais il n'a pas parlé aux Français, dit de son côté Denis Muzet. Son discrédit a atteint un tel niveau que c'est ridicule de le voir dire: j'aime les Français et pourquoi ne m'aimez-vous pas?»

L'image du président

Le peuple français attend beaucoup de son président, souligne Christian Delporte. «Les Français sont assez contradictoires. Ils veulent un président proche d'eux, mais une sorte de monarque républicain, dit l'historien de la communication politique. Depuis de Gaulle, ils ont envie d'un souverain [...]. Ils mettent tous leurs espoirs dans un seul homme, donc en crise économique, cet homme paraît impuissant.»

«Hollande ne sait pas déléguer, ajoute le sociologue Denis Muzet. Il devrait donner plus de place à son premier ministre Manuel Valls pour les affaires internes et davantage miser sur son rôle de président à l'international. Agir en reine d'Angleterre», résume le président de l'Institut Médiascopie. «S'il veut reconstruire du crédit, il peut seulement le faire sur la scène internationale... Il est crédible quand il parle de terrorisme et de climat.»

Jeudi soir, François Hollande a réuni 7,9 millions de téléspectateurs. Des parts de marché très respectables mais inférieures à un épisode de la série américaine Mentalist, illustre-t-on en France.

92% des Français insatisfaits

La campagne de séduction du président ne s'arrête pas là. Il doit multiplier les apparitions sur le terrain au cours des prochaines semaines. Selon deux récents sondages, plus de neuf Français sur dix (92%) qualifient «d'insatisfaisant» son bilan de mi-mandat. Même que plus de huit Français sur dix souhaitent qu'il ne se représente pas aux élections de 2017.