Les Roumains vont aux urnes dimanche pour le premier tour d'une élection présidentielle dominée par des craintes d'une reprise en main de la justice, un scrutin que le premier ministre social-démocrate Victor Ponta semble assuré de remporter.

Ancien procureur âgé de 42 ans, M. Ponta est crédité de 41% des intentions de vote, devant le challenger de droite Klaus Iohannis (55 ans), maire de Sibiu (centre) issu de la minorité allemande, qui obtiendrait 30% des voix, selon un dernier sondage réalisé par l'institut IRES.

Au total, 14 candidats participent à ce scrutin qui mettra fin à dix ans de pouvoir du président sortant de centre droit Traian Basescu. Le second tour est prévu le 16 novembre.

Élu pour un mandat de cinq ans, le chef de l'État est notamment responsable de la politique étrangère et des nominations dans la haute fonction publique, y compris des chefs des parquets.

«Si Victor Ponta gagne, les sociaux-démocrates exerceront un pouvoir sans partage jusqu'aux élections législatives de 2016, car ils détiendront la présidence, la majorité au Parlement et le gouvernement», indique à l'AFP le politologue Ovidiu Voicu de la Fondation Soros.

À ce titre, M. Ponta pourrait «prendre des décisions nuisibles visant la justice», et il lui suffirait d'invoquer une «mauvaise gestion» pour révoquer les chefs des parquets, ajoute-t-il.

La majorité de centre gauche avait fait passer en décembre 2013 des amendements au Code pénal octroyant une super-immunité aux élus.

Ces modifications ne sont finalement pas entrées en vigueur, mais les analystes craignent que le projet n'ait pas été abandonné.

«Tout dépend de la position du futur président par rapport à la lutte contre la corruption de haut niveau», estime Laura Stefan, du think tank ExpertForum.

S'il s'est engagé à préserver l'indépendance de la justice, M. Ponta n'a pas hésité à critiquer le parquet anticorruption (DNA), qu'il juge partisan, alors que les enquêtes visant des élus et d'anciens ministres se sont multipliées.

«Deux voix seulement ont été entendues lors de cette campagne, la mienne (...) et celle de la Justice. Tous les matins, nous avons vu des gendarmes cagoulés et des menottes», a-t-il lancé vendredi lors d'une interview pour le site DC News.

Inquiétude des investisseurs

Ce scrutin, qui entraînera sans doute un changement de gouvernement, est également suivi de près par le milieu des affaires.

Deuxième pays le plus pauvre de l'Union européenne après la Bulgarie, la Roumanie avait enregistré en 2013 l'une des plus fortes croissances du bloc, soit 3,5%.

Mais l'introduction de plusieurs taxes au printemps a freiné l'appétit des investisseurs, plongeant le pays en récession au deuxième trimestre. Pour 2014, la prévision de croissance a été revue à 2,2%.

«La marge de manoeuvre pour un changement d'orientation économique est limitée, car la Roumanie a un accord avec le Fonds monétaire international (FMI) et l'UE, des engagements qui devront être respectés», a déclaré l'analyste économique Aurelian Dochia.

«Mais on évoque de possibles hausses de taxes et d'impôts en 2015, et cela suscite de l'inquiétude parmi les investisseurs», ajoute-t-il.

Au total, 18,3 millions d'électeurs sont attendus pour le vote qui débute à 07h00 heure locale.

Des sondages effectués à la sortie des bureaux de vote seront diffusés par les principales chaînes de télévision aussitôt après la clôture du scrutin à 21h00.

Les premiers résultats partiels seront publiés dans la nuit de dimanche à lundi.