L'opposition de centre droit de l'ex-premier ministre Boïko Borissov est arrivée dimanche en tête des législatives bulgares, mais reste loin de la majorité absolue, ce qui laisse augurer une poursuite de l'instabilité.

D'après les estimations des instituts de sondage, le parti Gerb de M. Borissov obtiendrait environ 33 % des voix, et de 83 à 91 élus au Parlement, loin de la majorité absolue de 121 sièges.

Il devancerait largement les socialistes - de 15,7 % à 16,5 % des voix et de 38 à 48 sièges -, eux-mêmes talonnés par le parti de la minorité turque MDL, qui empocherait entre 34 et 38 sièges.

Les Bulgares votaient dimanche pour la deuxième fois en 18 mois. M. Borissov, 55 ans, qui avait été au pouvoir de 2009 à février 2013, avait été chassé de la tête du pays par des manifestations massives contre la pauvreté et la corruption. Les élections organisées après son départ avaient débouché sur un gouvernement «technocratique» soutenu par les socialistes et le MDL.

L'incertitude portait dimanche soir sur sa capacité à former une coalition lui octroyant la majorité absolue des sièges, alors que le futur parlement du pays le plus pauvre de l'UE devrait être très émietté.

Cinq petits partis, dont les ultranationalistes d'Ataka, semblent ainsi en mesure de franchir le seuil des 4 % nécessaire pour obtenir des élus.

Boïko Borissov, qui n'a pas prévu de s'exprimer dimanche soir, jouera dès lundi matin une partie difficile pour composer une alliance, à supposer qu'il ne jette pas l'éponge.

«Il n'y aura pas une seconde chance après ce vote», avait-il souligné après avoir voté dans la matinée, en répétant que son parti «ne participera qu'à un gouvernement stable».

Lors de son premier mandat, il avait gouverné pendant trois ans et demi en étant minoritaire, cherchant l'appui tantôt de la droite traditionnelle, tantôt des ultranationalistes, tantôt d'indépendants.

Plusieurs analystes jugent possible la mise en place d'un gouvernement de large coalition, qui pourrait inclure les socialistes, mais qui n'irait pas, dans le meilleur des cas, au-delà de l'élection présidentielle d'octobre 2016.

«La seule solution serait une large coalition de Gerb avec les socialistes et de petits partis [...]. Toute autre chose mènerait au chaos», a notamment estimé le directeur de l'institut Sova-Harris Vassil Tontchev dans un entretien à l'AFP dans la journée de dimanche.

«Un tel gouvernement devrait être formé autour d'un programme clair, pour une période déterminée, par exemple jusqu'à l'élection présidentielle», selon lui.

Poursuite de l'instabilité

Le résultat des urnes semble toutefois fortement menacer la Bulgarie d'une poursuite de l'instabilité, comme l'a expliqué à l'AFP Boriana Dimitrova, directrice de l'institut Alpha Research.

Selon elle, «le problème n'est pas tellement le nombre de petits partis, mais l'absence d'une claire orientation droite/gauche de ces partis artificiellement formés par des intérêts corporatistes. C'est pourquoi il sera difficile de former un gouvernement».

La future équipe au pouvoir, quels que soient son chef et sa couleur politique, devra affronter des réformes impopulaires de la santé, de l'éducation et des retraites, a rappelé dimanche le président Rossen Plevneliev. Plusieurs défis pressants l'attendent avant même cette étape.

La crise ukrainienne menace la fourniture de gaz russe cet hiver, alors que le pays n'a pas d'alternatives pour se chauffer et faire fonctionner ses entreprises. L'UE a suspendu le paiement de centaines de millions d'euros de fonds européens pour cause d'irrégularités dans les marchés publics. La CCB, quatrième banque du pays, est en quasi-faillite. Enfin la Bulgarie est débordée par l'afflux de réfugiés syriens arrivés par la Turquie.

Boïko Borissov avait chuté après des manifestations massives contre la pauvreté et la corruption. Les mêmes manifestations ont bloqué dès les premiers jours l'action du gouvernement «technocratique», soutenu par les socialistes, qui a remplacé M. Borissov après des élections organisées au printemps 2013.