Le gouvernement espagnol s'apprête à bloquer lundi le référendum sur l'indépendance que veut organiser la Catalogne, sans résoudre la crise politique posée par cette riche région qui veut s'émanciper de l'Espagne.

Un conseil des ministres extraordinaire a été convoqué lundi pour faire appel au Tribunal constitutionnel contre la convocation de référendum pour le 9 novembre signée samedi par le président catalan Artur Mas.

L'appel suspendra automatiquement le décret de convocation, en attendant la décision du Tribunal qui selon toute vraisemblance annulera le décret.

«Ce référendum n'aura pas lieu parce qu'il est anticonstitutionnel», a déclaré samedi la vice-présidente du gouvernement, Soraya Saenz de Santamaria, lors d'une conférence de presse.

«C'est à tous les Espagnols de décider ce qu'est l'Espagne et comment elle s'organise», a-t-elle ajouté, résumant les arguments de Madrid pour refuser aux Catalans le droit de décider seuls de leur avenir.

Organiser quand même la consultation serait pour la Catalogne sortir de la légalité, ce qu'Artur Mas s'est engagé à ne pas faire, même si ses alliés radicaux du parti ERC (Gauche républicain catalane) l'y poussent.

La seule issue qu'Artur Mas ait évoquée jusqu'ici serait de convoquer de nouvelles élections anticipées, les deuxièmes en deux ans, faisant ouvertement campagne pour la sécession, et qui auraient valeur de plébiscite pour l'indépendance.

Beaucoup d'observateurs prédisent alors la fin de sa carrière politique, l'ERC ayant déjà devancé son parti de centre droit CiU, devenant le premier parti de Catalogne lors des dernières élections européennes de mai.

Du reste, on voit mal pourquoi Madrid, qui lui a refusé un référendum, accepterait après de nouvelles élections de négocier une sécession.

Quel que soit l'avenir de M. Mas, le gouvernement conservateur restera confronté au problème catalan, qu'il a lui-même contribué à envenimer.

C'est le Parti Populaire, conservateurs alors dans l'opposition, qui a obtenu du Tribunal constitutionnel qu'il réduise en 2010 le statut d'autonomie élargie que la Catalogne avait laborieusement négocié en 2006 avec le gouvernement socialiste et fait approuver par le Parlement national.

Le Tribunal décida notamment que le terme de «Nation» reconnu dans ce statut n'avait «aucune valeur juridique». Des centaines de milliers de Catalans descendirent alors dans les rues de Barcelone en chantant: «Nous sommes une Nation. C'est nous qui décidons».

C'est le début d'une série de manifestations de masse qui convaincront Artus Mas, partisan d'une autonomie élargie quand il est élu en 2010, de se faire un hérault de l'indépendance.

Jalouse de sa culture et de sa langue, interdite sous la dictature de Francisco Franco (1939-1975), la Catalogne a toujours des relations compliquées avec Madrid, l'éternelle rivale de Barcelone, la métropole catalane.

Elles se sont tendues avec la crise économique de 2008. La Catalogne est un moteur de l'économie espagnole, ses 7,5 millions d'habitants produisant un cinquième de la richesse du pays, mais sa dette est supérieure à celle des autres régions d'Espagne et elle se plaint de contribuer trop au budget national.

Artur Mas avait tenté en 2012 d'obtenir de Madrid une «autonomie fiscale», qui aurait donné à la Catalogne plus de contrôle sur ses impôts. Devant la fin de non-recevoir de Mariano Rajoy, le chef du gouvernement conservateur, Mas avait promis un référendum à ses électeurs.

Contrairement au premier ministre britannique David Cameron qui a promis plus d'autonomie à l'Écosse quand elle a dit non à l'indépendance, le 18 septembre, Mariano Rajoy s'est refusé jusqu'à présent à toute concession.

Il se refuse à réformer la Constitution pour apaiser les griefs des Catalans, comme le lui demandent l'opposition socialiste et le patronat catalan.

«Le gouvernement va continuer à travailler pour unir et non diviser», a simplement assuré Mme Saenz de Santamaria.