Plus de 300 réfugiés essentiellement syriens, dont une cinquantaine d'enfants, ont été secourus jeudi par un paquebot de croisière au large de Chypre, mais arrivés sur l'île, la majorité d'entre eux a refusé de débarquer, exigeant de rejoindre l'Italie.

Leur chalutier, qui naviguait à 50 milles nautiques au sud-ouest de la ville côtière de Paphos, a été secouru par le Salamis Filoxenia après avoir envoyé un signal radio de détresse faisant état de «mauvaises conditions météorologiques», selon le ministère de la Défense.

Avec l'aide de l'équipage, les 345 passagers du chalutier, dont 52 enfants, venus essentiellement de Syrie selon la police, sont montés à bord du paquebot de 157 mètres.

Tous les migrants sont «en bonne santé», s'est réjoui le patron du port de Limassol, George Ppouro, un dénouement heureux après de nombreux naufrages meurtriers ces derniers mois en Méditerranée.

Mais une fois arrivés dans le port chypriote aux alentours de 20h45 locales et après le départ des 700 passagers devant débarquer à Limassol, seuls quelque 65 migrants ont accepté de quitter à leur tour le paquebot.

Les autres ont refusé, exigeant de rejoindre l'Italie, au grand dam de la compagnie maritime.

«Nous étions censés repartir à 22h30 ce soir mais, malheureusement, ces gens veulent négocier (...) Ils veulent que nous les emmenions en Italie», a déclaré le directeur général de Salamis Cruise Lines, Kikis Vassiliou.

«Nous avons fait le maximum pour sauver leurs vies, nous leur avons donné à manger, apporté de l'aide et maintenant ils veulent détruire cette entreprise», a-t-il dénoncé, en évoquant des pertes de «plusieurs centaines de milliers d'euros».

Vers 4h locales vendredi, les négociations se poursuivaient avec les migrants. Des médecins et infirmiers, de même que des équipes de la Défense civile, attendaient toujours sur le port de Limassol, prêts à prendre en charge ceux qui accepteraient finalement de descendre.

Mer terrible

Les 65 autres réfugiés ont été transportés en bus dans un camp à Kokkinotrimithia, à une dizaine de kilomètres de la capitale Nicosie, où ils devaient pouvoir se doucher, recevoir des habits propres et se reposer.

Une passagère chypriote, Chrystalla Eflatsoumis, 66 ans, a expliqué à l'AFP que les migrants avaient passé trois jours en mer sur un chalutier et que les conditions météorologiques étaient affreuses.

«La mer était terrible. Nombre d'entre nous (sur le paquebot) vomissait. A 8h45, nous sommes arrivés près de (la ville côtière chypriote de) Paphos. Mais le capitaine a reçu un appel pour sauver ces gens» et le paquebot a alors fait demi-tour, a raconté cette Chypriote, qui faisait une croisière de neuf jours dans les îles grecques avec son mari.

«Ils étaient environ 350 de Syrie, beaucoup de femmes enceintes et 20 bébés. Ils avaient donné beaucoup d'argent (pour la traversée). A un moment donné, le capitaine a passé un coup de fil et une vedette est venue le chercher», laissant les réfugiés seuls, a-t-elle ajouté. Ses propos n'ont pu être corroborés par d'autres sources.

Les réfugiés, «très fatigués», ont été rassemblés près de la piscine du paquebot, puis on leur a donné à manger et à boire, a dit son mari, Georgios. «Si nous n'avions pas été là, ils seraient morts», a lancé son épouse.

Plus de 2500 morts ou disparus

L'île de Chypre se trouve à peine à une centaine de km des côtes de la Syrie. Elle a jusqu'à présent été globalement épargnée par les flux de réfugiés de ce pays ravagé par la guerre depuis mars 2011.

En août 2012, sept Syriens, dont deux enfants, s'étaient noyés quand le bateau sur lequel ils se trouvaient avait coulé près de la côte nord de Chypre, où ils comptaient se rendre.

Selon le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), plus de 2500 personnes se sont noyées ou ont été portées disparues depuis le début de 2014 en tentant de traverser la Méditerranée.

Le 10 septembre, quelque 500 personnes ont péri lorsque leur bateau a coulé au large de Malte, le naufrage «le plus grave de ces dernières années» en Méditerranée, selon l'Organisation internationale pour les migrations (OIM). Il n'y a eu que 10 survivants.