Le leader des indépendantistes écossais Alex Salmond a vanté jeudi son rêve d'une Écosse «plus prospère» et «plus juste» au cours d'une conférence de presse réunissant à Édimbourg des journalistes du monde entier, à une semaine d'un référendum d'autodétermination historique.

La date du 11 septembre correspondait à l'anniversaire d'un premier référendum ayant donné à l'Écosse une autonomie accrue, en 1997.

M. Salmond, alors chef du Parti national écossais (SNP), avait déclaré, l'espérance chevillée au corps : «Nous sommes partis pour un voyage dont la dernière étape sera l'indépendance».

Dix-sept ans plus tard, M. Salmond, auteur d'une campagne vibrionnante pour le oui, a présenté à Édimbourg l'objectif de sa vie en termes idylliques. «Voter oui, c'est une chance pour la vie. Une chance de bâtir un pays plus juste, plus prospère».

«L'Écosse votera oui jeudi prochain parce que les promesses faites à la va-vite par le camp du non (...) ne tromperont plus personne», a-t-il lancé, faisant allusion aux compétences accrues promises à la région si elle reste dans le giron britannique.

«Les yeux du monde sont braqués sur l'Écosse», a ajouté Alex Salmond, devant de nombreux journalistes de la presse internationale, signe de l'intérêt suscité par le sort de cette région dont les traditions - kilt, cornemuse et whisky en tête - sont connues dans le monde entier.

«Il n'y avait pas beaucoup d'intérêt pour cette histoire au début (...). Mais quand le oui est passé devant pour la première fois dans les sondages, j'ai reçu un coup de téléphone de Tokyo», a déclaré à l'AFP Shuhei Nakayama, de la chaîne de télévision japonaise NHK. «C'est intéressant de voir une nation qui pourrait faire sécession sans violence».

Un sondage en chasse l'autre

Le discours passionné de M. Salmond suffira-t-il à faire pencher la balance? A huit jours de cette consultation historique, les deux camps sont au coude-à-coude et le sort du scrutin semble plus que jamais entre les mains des 10% d'indécis.

Le dernier sondage en date de l'institut YouGov publié jeudi confirme la très légère avancée des partisans du non à l'indépendance de l'Écosse. Il accorde quatre points d'avance au non avec 52% des intentions de vote contre 48% au oui.

Le précédent sondage publié mercredi par le quotidien écossais Daily Record, donnait six points d'avance au non, avec 53% des intentions de vote, contre 47% au oui.

Cette enquête était tombée à point nommé pour les partisans du non, pétrifiés par un précédent sondage publié deux jours plus tôt et qui plaçait, pour la première fois, le oui en tête.

Pris de court par la perspective d'une victoire indépendantiste, le chef du gouvernement britannique David Cameron, plutôt discret jusqu'à présent dans la campagne, s'est rendu mercredi en catastrophe à Édimbourg.

«J'aurais le coeur brisé si cette famille de nations que nous avons réunies et qui ont réalisé tant de choses remarquables ensemble venait à voler en éclats», y a-t-il dit, ému aux larmes.

Émouvant, peut-être, mais insuffisant, pour le quotidien The Independent. «Au lieu de parler dans une salle fermée, aseptisée, (M. Cameron) aurait dû sortir dans la rue et se confronter (aux électeurs)», écrit jeudi le quotidien dans un éditorial.

Les efforts déployés par M. Cameron reflètent la pression grandissante sur les épaules du dirigeant conservateur, qui redoute certainement de rester dans l'histoire comme celui par qui l'éclatement du royaume est arrivé.

Les banques prêtes à plier bagages

Ce contexte d'incertitude faisait souffler un vent d'inquiétude sur les marchés financiers et le géant bancaire britannique Royal Bank of Scotland (RBS) a averti jeudi qu'il déplacerait son siège social en Angleterre si l'Écosse venait à opter pour l'indépendance.

«De nombreuses incertitudes entourent le référendum écossais qui pourrait avoir des conséquences sur l'environnement fiscal, monétaire, légal, le système de régulation et la notation de la banque», a expliqué la banque, dont le siège est situé en Écosse depuis près de 300 ans.

Mercredi soir, un autre poids lourd britannique de la finance, Lloyds, avait annoncé qu'il pourrait «établir de nouvelles entités légales en Angleterre» si l'Écosse optait pour le oui.

Sur les ondes de la BBC, M. Salmond a minoré jeudi ces menaces de déménagement, affirmant qu'ils n'auraient «pas d'impact sur les emplois». «Cela fait partie d'une campagne menée par le gouvernement britannique», a-t-il pesté.

Mais pour une partie de la presse économique, le projet indépendantiste manque de visibilité, de consistance.

«M. Salmond peut bien jouer sur la corde sensible de ses concitoyens, il n'a fourni que peu de réponses crédibles sur les défis économiques, sociaux et internationaux auxquels l'Écosse ferait face (en cas d'indépendance)», souligne le Financial Times, qui a pris position en faveur du non.

Pour sa part, le Fonds monétaire international a mis en garde jeudi contre une victoire du «oui» au référendum, qui, estime-t-il, serait «source d'incertitude» économique et pourrait notamment susciter des «réactions négatives» sur les marchés.