Galvanisée par le référendum écossais sur l'indépendance, arborant les couleurs rouge et or de la Catalogne, une foule nationaliste a envahi jeudi les rues de Barcelone pour réclamer le droit de voter sur une séparation de l'Espagne.

À l'appel d'associations indépendantistes, ils manifestent pour la troisième année consécutive à l'occasion de la Diada, la «journée nationale» de Catalogne, pour pouvoir se prononcer sur l'avenir de la région.

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Contrairement au gouvernement britannique, qui a autorisé le référendum écossais dans une semaine, celui de Madrid refuse tout référendum régional d'autodétermination, invoquant la Constitution.

La mairie de Barcelone, dirigée par la coalition nationaliste CiU du président catalan Artur Mas, a évalué jeudi à 1,8 million le nombre de manifestants indépendantistes descendus dans les rues pour réclamer un référendum sur l'avenir de la Catalogne.

Une foule immense a envahi les grandes avenues de Barcelone, formant un V (pour Voter), pour réclamer le droit d'organiser le 9 novembre un référendum, auquel le gouvernement central espagnol est fermement opposé.

En 2012, une manifestation de plus d'un million de Catalans avait poussé le gouvernement régional à promettre cette consultation. Après celle de l'année dernière, où les militants avaient formé une chaîne humaine de 400 kilomètres de long, l'exécutif catalan a fixé la date du scrutin au 9 novembre prochain.

Cette Diada marque le 300e anniversaire de la prise de Barcelone en 1714 par les troupes du roi Philippe V, qui abolit les lois et les institutions catalanes. Symboliquement, le temps fort de la manifestation a été fixé à 17 h 14.

Mais dès avant midi, la foule bariolée des militants noyait les hordes de touristes qui se pressent d'habitude dans la capitale catalane. Portant des T-shirts jaunes ou rouges, barrés du slogan «Ara es l'hora» («L'heure est venue», en catalan), ou brandissant la bannière indépendantiste, ils se promenaient en famille dans les rues ou défilaient au son des grallas, hautbois traditionnels catalans au son grêle.

Le chef du gouvernement catalan, Artur Mas, a averti Madrid qu'il ne pourrait «pas empêcher éternellement la Catalogne de se prononcer sur son avenir», dans une interview à l'AFP dans son bureau au palais gothique de la Generalitat, siège de l'exécutif régional.

«Si une nation comme l'Écosse a le droit de décider de son avenir, pourquoi pas la Catalogne?», a-t-il demandé. Une question que se posent de nombreux partisans de l'indépendance.

Selon lui, le gouvernement espagnol ne doit pas continuer à opposer des arguments constitutionnels au problème politique que pose la Catalogne et cette consultation, non contraignante, est nécessaire pour savoir si les indépendantistes sont majoritaires.

Fiers de leur langue et de leur culture, beaucoup des 7,5 millions de Catalans se sentent maltraités par le gouvernement central.

Cette région qui produit un cinquième de la richesse nationale a plus d'autonomie que l'Écosse. Mais, frappée par la crise économique, elle n'a pas accepté que le Tribunal constitutionnel la prive de son statut de nation en 2010, en réduisant fortement l'autonomie dont elle jouissait depuis 2006.

Artur Mas a estimé que cette décision avait fait basculer les mentalités en Catalogne en faveur de l'indépendance.

«Notre culture, notre langue et nos traditions doivent être respectées et nous avons vu qu'au sein de l'État espagnol c'est impossible, c'est pour ça que je réclame l'indépendance», explique Bernat Pi, un étudiant en chimie de 24 ans, drapeaux catalans et écossais à la main.

«Un Oui à l'indépendance de l'Écosse le 18 septembre jouerait pour nous, mais si le Non gagne, il n'y pas de quoi s'en faire», dit-il. Nous irons de l'avant et nous gagnerons».

Sur une estrade de la place du marché Born, au coeur de la vieille ville, orateurs catalans, écossais et sardes se succèdent. «Nous n'avons pas à demander la liberté à Londres, Madrid ou Rome, nous devons la prendre», lance en espagnol Gavino Sale, député indépendantiste au Parlement régional de Sardaigne. «Ce mouvement indépendantiste dans toute l'Europe est irréversible».

Artur Mas compte faire adopter dans les prochains jours par le Parlement catalan une loi qui lui permette d'organiser la consultation, mais le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy a prévu de saisir immédiatement le Tribunal constitutionnel pour qu'il suspende cette loi.

Il serait difficile de faire reconnaître par la communauté internationale les résultats d'un scrutin organisé à l'encontre d'une décision du tribunal, reconnaît Artur Mas, mais il refuse de dire ce qu'il fera dans ce cas-là.