L'ex-courtier français Jérôme Kerviel, condamné pour avoir causé une perte de 4,9 milliards d'euros à la banque Société générale, est sorti lundi de prison, bénéficiant d'un aménagement de peine prévoyant le port d'un bracelet électronique.

«J'ai envie de reconstruire ma vie, d'avoir une vie normale avec mes proches, de fonder une famille et pouvoir enfin profiter de la vie», a dit à sa sortie de prison, l'ancien courtier, l'air fatigué, vêtu d'un pull noir en V sur un tee-shirt blanc et d'un blouson noir.

Symbole des dérives de la finance qu'il dénonce aujourd'hui, condamné en mars à cinq ans d'emprisonnement, dont trois ferme, l'ex-courtier aura passé un peu plus de 150 jours, soit près de cinq mois, en détention.

Mais il n'est pas libre pour autant et reste techniquement «sous écrou»: la cour d'appel de Paris lui a accordé jeudi un aménagement de peine, contre l'avis du parquet, sous forme d'un bracelet électronique, qu'il devra porter jusqu'au 26 juin 2015.

«C'est toujours mieux que d'être enfermé dans 9 mètres carrés», a souligné Jérôme Kerviel, avant de se rendre dans une antenne parisienne du service d'insertion et de probation (Spip) pour se faire poser le fameux bracelet.

Un boîtier de contrôle sera ensuite installé à son domicile qui permettra aux services pénitentiaires de vérifier qu'il respecte bien ses horaires de sortie.

L'ex-courtier, qui sera employé dans une entreprise de conseil en systèmes et logiciels informatiques où il avait déjà travaillé entre 2008 et 2010, aura le droit de sortir de 7 h à 20 h 30 du lundi au vendredi et une liberté totale de mouvement les week-ends et jours fériés.

Il va ainsi «reprendre le cours d'une vie tout à fait normale» selon son avocat, Me David Koubbi, qui assure que son client va consacrer une partie de son temps libre à «des engagements citoyens».

Soutiens politique et religieux

L'extrader purgeait sa peine depuis la mi-mai et avait déjà passé au début de l'enquête 41 jours en détention provisoire.

La défense de l'extrader avait appuyé sa demande d'aménagement sur le fait qu'une fois déduites sa détention provisoire et les remises de peines automatiques prévues par la loi, il pouvait solliciter en juillet 2015, soit à la moitié de sa peine, une libération conditionnelle.

Or, le code de procédure pénale prévoit qu'une mesure d'aménagement de peine «peut être exécutée un an avant» la mi-peine.

Le juge d'application des peines avait donné son feu vert début août, mais le parquet avait immédiatement fait appel, ce qui suspendait la décision. Finalement, la cour d'appel de Paris l'a confirmée jeudi.

Durant son parcours judiciaire, l'extrader, qui avait en 2008 joué 50 milliards d'euros sur les marchés au nom de sa banque en camouflant ses positions, a reconnu une part de responsabilité avant de se présenter comme la victime d'un système, accusant la Société générale de machination et la justice de partialité.

Soutenu par des personnalités politiques, notamment Jean-Luc Mélenchon, ou des hommes d'église, il a mené avant son incarcération un périple ultra-médiatisé en Italie, après avoir croisé le pape François lors d'une «audience générale» à Rome.

En mars, la Cour de cassation, plus haute instance judiciaire française, avait confirmé sa peine de prison, mais annulé les 4,9 milliards de dommages et intérêts auxquels Kerviel avait été condamné, estimant que les «négligences» de la banque avaient concouru à «la fraude et à ses conséquences financières». Ce volet sera prochainement rejugé devant la cour d'appel de Versailles.

Par ailleurs une information judiciaire a été ouverte à Paris pour escroquerie au jugement et faux et usage de faux, en lien avec des plaintes de Jérôme Kerviel qui accuse la Société générale d'avoir aggravé après son départ les pertes qui lui ont été imputées.

«Il n'y a plus d'affaire Kerviel, il y a une affaire Société Générale», a insisté lundi matin Me Koubbi.