Face à la déferlante d'accusations de Valérie Trierweiler dans son livre paru jeudi, l'exécutif, Ségolène Royal et Manuel Valls en tête, a lancé une vaste contre-offensive pour discréditer l'ouvrage, présenté comme une grotesque charge contre François Hollande.

Mère des quatre enfants du président dont elle a partagé la vie pendant une trentaine d'années, jusqu'en 2007, et ministre de l'Environnement, Ségolène Royal s'est emportée la première, balayant d'un «c'est n'importe quoi!» l'assertion de Valérie Trierweiler. «C'est le contraire de l'engagement politique d'un grand responsable de gauche, socialiste», a-t-elle répliqué.

La ministre en veut pour preuve l'action de François Hollande en faveur «des plus précaires» et des «anciens» lorsqu'il était à la tête du conseil général de Corrèze.

Quelques lignes de Merci pour ce moment, l'ouvrage de l'ex-compagne du chef de l'État distillées la veille dans la presse, ont déchaîné une tempête de réactions outrées. «Il s'est présenté comme l'homme qui n'aime pas les riches. En réalité, le président n'aime pas les pauvres. Lui, l'homme de gauche, dit en privé : "les sans-dents" très fier de son trait d'humour», a écrit celle dont le chef de l'État s'est officiellement séparé le 25 janvier.

Acceptant de répondre sur le terrain politique, Ségolène Royal s'est en revanche refusée à se «laisser entraîner sur le terrain privé» lorsque Jean-Claude Bourdin l'a interrogée sur RMC/BFM TV sur une autre accusation de Valérie Trierweiler, celle d'avoir négocié son ralliement à François Hollande lors de la campagne de 2012.

En l'absence de réaction de l'Élysée, c'est Manuel Valls qui a volé jeudi au secours du président, dénonçant au détour d'un déplacement de rentrée des «attaques outrancières» et un «mélange de la vie publique et de la vie privée» qui «abaisse le débat».

Secrétaire d'État à la Réforme territoriale, Thierry Mandon a laissé lui aussi éclater sa colère : «Je me fiche de ce que pense Mme Trierweiler qui fait beaucoup de mal à la vie publique en faisant ce livre, qui fait beaucoup de mal au métier de journaliste, qui finalement semble nous produire une sorte de marivaudage de supermarché dont on se serait bien passé».

«Cadeau de rupture»

«Il suffit d'aller à Tulle, d'aller en Corrèze, de regarder un certain nombre de décisions qu'il a prises dans ce quinquennat pour les plus fragiles pour se rendre compte que tout cela est une triste farce», a-t-il encore argué, à l'unisson avec Ségolène Royal.

Le «portrait implicite» qui est fait de François Hollande par son ex-compagne «n'est absolument pas la réalité que l'on peut percevoir» de lui, a abondé Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État aux relations avec le Parlement.

François Hollande a même trouvé un «frondeur» pour le soutenir en la personne de Jérôme Guedj qui «ne croit pas» à la formule des «sans-dents» venant d'un «militant socialiste qui a l'égalité chevillée au corps».

Quant à la présidente du Front national, Marine Le Pen, elle considère l'ouvrage de Valérie Trierweiler comme «un déshonneur pour la France qui touche autant celle qui parle que celui dont elle parle» et un «concours d'indécence». Tout en ajoutant que la formule des «sans-dents» serait «abjecte (...) si elle a été prononcée».

Signe du profond malaise créé par Merci pour ce moment, les éditorialistes y voyait jeudi «le coup de grâce» pour le président de la République (Cécile Cornudet, Les Echos), un «cadeau de rupture dévastateur» (Philippe Waucampt, Le Républicain lorrain) ou «l'obscénité à son comble» (Yves Thréard, Le Figaro).

Reste à en mesurer les effets sur l'opinion. Pour Jérôme Saint-Marie (PollingVox), il est abusif de parler d'un «coup de grâce». Le politologue juge notamment que «contrairement à Nicolas Sarkozy auquel on reprochait d'exposer sa vie privée, François Hollande n'est pas à l'initiative de ce mélange des genres».

Jérôme Fourquet (IFOP) y voit pour sa part une «embûche supplémentaire dans un parcours qui en était déjà constellé» susceptible «d'affecter l'une de ses seules cartes qui restait au président, son capital de sympathie, d'empathie et de proximité avec les Français».

Plus grave encore, selon lui, l'épisode pourrait «alimenter le discours d'une partie de la gauche qui fait le procès des rapports de la sociale démocratie aux pauvres après DSK et la domestique du Sofitel, Cahuzac et ses comptes à l'étranger, Aquilino Morelle et son cireur de chaussures et, maintenant, Hollande et les "sans-dents"».