De gauche ou de droite, juifs ou musulmans, les leaders français ont condamné de façon forte et unanime les gestes de violence commis dimanche contre une synagogue et une épicerie kasher à Sarcelles, en banlieue de Paris. Certains manifestants ont lancé des objets sur une synagogue puis incendié des voitures de police et trois commerces, dont une épicerie kasher.

Le président François Hollande a indiqué qu'il ne tolérera «aucun acte, aucune parole qui puisse faire ressurgir l'antisémitisme et le racisme».

Dans l'espoir d'atténuer les tensions en France liées au conflit israélo-palestinien, le président Hollande a réuni hier à l'Élysée les représentants des grandes communautés religieuses de la capitale après un week-end particulièrement tendu à Paris.

Deux manifestations propalestiniennes interdites par le gouvernement ont dégénéré: il y a eu 44 arrestations et 17 policiers blessés samedi à Barbès, puis des gestes de violence contre une synagogue et des commerces juifs dimanche à Sarcelles. Une nouvelle manifestation propalestienne, celle-ci autorisée et organisée par des groupes «sérieux et responsables», selon la police, aura lieu demain à Paris.

«[Ces violences], ce n'est pas l'islam, ni la recommandation de la communauté. La communauté musulmane n'est pas antisémite», dit Dalil Boubakeur, recteur de la Grande Mosquée de Paris et président du Conseil français du culte musulman, qui se dit favorable au «dialogue interreligieux [car] ces problèmes viennent le plus souvent de l'ignorance de l'autre.»

À son arrivée à l'Élysée, le représentant de la communauté musulmane de Paris a serré la main de son homologue de la communauté juive, Joël Mergui, président du Consistoire central juif de France.

«L'État a conscience de ses responsabilités, et nous avons rappelé que c'est la responsabilité de l'État de protéger l'ensemble des lieux de culte et de faire en sorte que l'antisémitisme s'arrête», dit M. Mergui.

D'autres représentants de confessions catholique, orthodoxe, protestante et bouddhiste ont aussi assisté à la rencontre à l'Élysée avec le président Hollande, le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve et le premier ministre Manuel Valls. «Rien en France ne peut justifier la violence, rien ne peut justifier qu'on s'en prenne à des synagogues, des épiceries, des magasins, des institutions juives», a dit hier le premier ministre socialiste.

Le jour de cette manifestation à Sarcelles, Manuel Valls participait à une commémoration de la rafle du Vél' d'Hiv', au cours de laquelle la police française avait réuni 13 000 Juifs en 1942 en vue de leur déportation dans les camps nazis.

Les principaux ténors de l'Union pour un mouvement populaire (UMP), principal parti de droite en France, ont soutenu la décision du gouvernement socialiste d'interdire les manifestations du dernier week-end en raison de craintes de violence à l'endroit de la communauté juive.

«Le gouvernement sera soutenu par tous les Républicains dans une politique de fermeté contre le racisme et l'antisémitisme», dit Jean-Pierre Raffarin, ex-premier ministre et sénateur.

«Aucune cause politique ne peut justifier cette guérilla urbaine qui s'attaque aux valeurs de la République. La communauté juive de France doit être protégée de ces extrémistes et de leur haine antisémite», dit François Fillon, ex-premier ministre et député.

Une décision décriée

À gauche comme à droite, la décision du gouvernement d'interdire ces deux manifestations ne fait pas l'unanimité, d'autant plus que des manifestations autorisées par les autorités locales ont eu lieu dans le calme dans plusieurs autres villes françaises. Six députés du Parti socialiste avaient demandé vendredi au gouvernement de revenir sur sa décision qu'ils ont qualifiée de «hâtive et disproportionnée».

«Le résultat de la manif de Paris, c'est qu'il vaut mieux encadrer qu'interdire», a réitéré le député socialiste Yann Galut hier sur Twitter.

Le ministre Cazeneuve a balayé hier ces critiques, citant à la télé une affiche placardée avant la manifestation de Sarcelles pour démontrer l'intention malveillante de certains manifestants: «Venez équipés de mortiers, d'extincteurs, de matraques [pour une] descende au quartier juif de Sarcelles.» De premiers gestes de violence avaient été faits contre une synagogue lors d'une manifestation à Paris le week-end précédent.

Le Front national, parti d'extrême droite, voit l'interdiction des manifestations comme «la pire des solutions».

«C'est inciter certains, les plus radicaux, à y aller non plus pour y manifester une opinion politique tout à fait légitime mais pour défier l'État», dit Florian Philippot, vice-président du Front national et député européen, qui met en cause «l'immigration de masse» pour expliquer la violence de ces manifestations.

Une nouvelle manifestation propalestinienne aura lieu demain soir à Paris. Cette fois, elle a été autorisée par la police puisqu'elle est organisée par plusieurs organismes ayant une bonne réputation, comme la Ligue des droits de l'homme et l'Union nationale des étudiants, et que le service d'ordre sera assuré par la Confédération générale du travail, un important syndicat français.

- Avec Le Figaro, Le Parisien et Le Monde