Un Français, Jean-Baptiste de Franssu, a remplacé l'Allemand Ernst von Freyberg à la tête de l'IOR, «banque du pape» rénovée et modernisée après des décennies d'opacité et de scandales, dans le cadre d'une cure d'économies qui touchera aussi les médias du Vatican.

Ce changement s'inscrit dans une vaste restructuration des activités économiques, ordonnée par le pape François et réclamée par nombre de prélats y compris au sein de la Curie, l'administration du Saint-Siège.

Lors d'une conférence de presse, MM. de Franssu et von Freyberg, ont souligné la «continuité» de leurs mandats, le financier français de 51 ans étant chargé de mener «la phase 2» de la réforme engagée au printemps 2013 à l'Institut pour les oeuvres de religion (IOR) par l'industriel allemand.

«Je vois ce rôle comme une mission», a assuré M. de Franssu, catholique pratiquant père de quatre enfants, engagé dans des mouvements catholiques pour la défense de la vie et de la famille traditionnelle, en promettant que seuls «les investissements éthiques» pourront transiter par l'IOR.

«Nous nous connaissons bien, nous avons travaillé ensemble. Je serai encore là pendant quelques semaines» à ses côtés, a expliqué de son côté M. von Freyberg.

Depuis l'été 2013, des cabinets d'audit américains et des commissions d'experts extérieurs, dont Jean-Baptiste de Franssu, avaient préparé le terrain de la réforme.

Le financier français a souligné qu'il «continuerait les efforts pour la transparence» de l'IOR.

Il a également indiqué qu'il examinerait dans un délai de 24 mois la gestion des avoirs de l'IOR.

En publiant son bilan mardi, l'institut avait annoncé la «phase 2» de sa réforme, les quelque 19 000 comptes initiaux de la banque ayant été épluchés et vérifiés, de nombreux étant douteux ou dormants.

Fin juin, il n'y avait plus que 15 495 comptes à l'IOR, selon le journal allemand Die Zeit, citant M. von Freyberg.

Une réforme menée par l'ex-gouverneur de Hong Kong

Jean-Baptiste de Franssu, qui devient le laïc français de plus haut rang au Vatican, dirigeait jusqu'à présent à Bruxelles un cabinet de conseil en fusions-acquisitions, «Incipit» («commencer» en latin). Longtemps PDG d'Invesco-Europe, il est aussi administrateur indépendant au sein de Carmignac Gestion, entreprise de gestion d'actifs.

Il s'est fait remarquer par des proches du pape en travaillant bénévolement au sein de la commission chargée à l'été 2013 de passer au peigne fin les dysfonctionnements et lourdeurs du petit État.

L'IOR, sur la sellette pour le recyclage d'argent sale, y compris de la mafia, ayant transité par ses comptes jadis, notamment dans le retentissant scandale du Banco Ambriosiano, revient de loin. Sa gestion a donné lieu à de féroces rivalités. Son ancien président italien, Ettore Gotti Tedeschi avait été brusquement débarqué en 2012, et la liquidation pure et simple de la «banque du pape» avait été un moment envisagée.

C'est Benoît XVI qui avait commencé à réformer le désuet système financier du Vatican, sous l'oeil attentif du groupe d'experts européens Moneyval, qui lutte contre le blanchiment d'argent. Des progrès encore incomplets avaient été constatés par Moneyval.

Dans le bilan de l'IOR pour 2013, les coûts exceptionnels des réformes engagées, mais aussi les pertes de la gestion précédente - accusée par les médias de favoritisme italo-italien - se font sentir : son bénéfice net s'est effondré, passant de 86,6 à 2,9 millions d'euros.

Le cardinal Tarcisio Bertone, ancien secrétaire d'État de Benoît XVI, est notamment accusé par la presse italienne d'avoir encouragé un prêt hasardeux à un ami producteur de télévision, qui aurait causé une perte sèche de 15 millions d'euros. Il proteste de son innocence.

Ernst von Freyberg, nommé par Benoît XVI début 2013, est crédité notamment pour avoir engagé une entreprise de consultants, Promontory, afin d'éplucher les comptes d'un institut vieux de 126 ans et connu pour son opacité.

Son départ s'explique notamment, a-t-il assuré, par la nécessité d'un poste de direction à temps plein alors qu'il faisait la navette avec Francfort où vit sa famille.

La surprise de ce dispositif annoncé par le nouveau secrétaire (ministre) de l'Économie, l'énergique cardinal australien, George Pell, est l'insertion du secteur des médias dans la réforme du Vatican, qui devra y contribuer par des «économies considérables».

Radio Vatican pourrait en subir le contrecoup, d'autant qu'une réorientation vers les nouveaux médias est prévue.

Une commission internationale a été nommée pour mener cette réforme. Elle est dirigée par un poids lourd de la scène mondiale, Lord Chris Patten, ancien gouverneur de Hong Kong et ex-commissaire européen aux affaires extérieures.