L'ancien président Nicolas Sarkozy a été placé en garde à vue mardi par la justice française - une première pour un ancien chef de l'État - et risque d'être inculpé dans le cadre d'une enquête ouverte notamment pour trafic d'influence présumé.

M. Sarkozy devrait être présenté dans la soirée à un juge d'instruction qui pouvait décider d'une possible inculpation (mise en examen). L'avocat de M. Sarkozy, Me Thierry Herzog, risque aussi de connaître le même sort.

La garde à vue est intervenue au moment où les rumeurs sur la volonté de Nicolas Sarkozy de renouer avec la vie politique, et notamment de prendre à l'automne la tête du parti conservateur UMP, se font de plus en plus précises.

L'ancien chef de l'État est arrivé tôt mardi matin dans une voiture noire aux vitres teintées, qui s'est engouffrée sous les objectifs des caméras dans le stationnement de la direction centrale de la police judiciaire à Nanterre, dans la banlieue ouest de Paris.

Une source judiciaire a ensuite indiqué à l'AFP que l'ex-président avait été placé en garde à vue.

M. Sarkozy, et avant lui l'ancien président Jacques Chirac, ont pu être inculpés dans des affaires judiciaires, mais jamais une garde à vue n'avait été organisée.

Me Herzog, est lui en garde à vue depuis lundi, ainsi que deux hauts magistrats, Gilbert Azibert et Patrick Sassoust. Les enquêteurs vont pouvoir confronter les versions des quatre hommes.

Ils cherchent à établir si Nicolas Sarkozy, 59 ans, a oeuvré pour obtenir des informations auprès d'un magistrat de haut rang, Gilbert Azibert, sur une décision de justice le concernant, en échange de la promesse d'un poste de prestige à Monaco.

Juridiquement, le trafic d'influence est réprimé par plusieurs articles du Code pénal avec des peines pouvant aller jusqu'à 10 ans de prison et 150 000 euros d'amende selon les circonstances. Ces quantums sont, dans ce dossier, très théoriques. Personne n'est pour l'heure poursuivi de ce chef, aucune inculpation n'a été prononcée et on ne connaît pas les chefs d'accusation qui pourraient être éventuellement retenus pour tel ou tel protagoniste.

Un ex-président sur écoute

L'affaire trouve sa genèse au printemps 2013. Plusieurs proches de Nicolas Sarkozy ont été placés sur écoute dans l'enquête sur les accusations de financement par la Libye de Mouammar Kadhafi de la campagne présidentielle victorieuse de 2007 de M. Sarkozy.

L'un d'entre eux, Michel Gaudin, ancien patron de la police nationale et ex-préfet de police de Paris, a plusieurs conversations qui interpellent les enquêteurs. Il semble notamment vouloir, en vain, se renseigner sur l'enquête libyenne auprès du patron du renseignement intérieur, Patrick Calvar.

Les juges décident alors - une décision sans précédent connu en France - de placer à son tour l'ex-président de la République sur écoute, notamment le téléphone qu'il utilise sous l'identité d'emprunt de «Paul Bismuth» pour converser avec Me Herzog.

Or, des échanges entre les deux hommes peuvent laisser croire qu'ils ont cherché à obtenir des informations auprès de Gilbert Azibert sur une décision cruciale attendue dans une autre affaire sans lien avec le dossier libyen, l'affaire Liliane Bettencourt. Nicolas Sarkozy a bénéficié d'un non-lieu dans cette affaire d'abus de faiblesse présumé aux dépens de la milliardaire française.

La teneur des échanges de Nicolas Sarkozy avec son avocat portait sur les agendas de l'ex-président saisis dans l'affaire Bettencourt. La justice a choisi de garder ces documents qui pourraient servir dans d'autres enquêtes.

Dans le dossier qui vaut sa garde à vue à Nicolas Sarkozy, les policiers vont pouvoir entendre l'ex-président pendant une durée pouvant aller jusqu'à 24 heures, éventuellement renouvelable une fois. Les obstacles judiciaires se multiplient sur la route d'un retour de Nicolas Sarkozy.

Outre les dossiers du financement libyen et du trafic d'influence, le parquet de Paris a confié à des juges financiers une enquête pour «faux et usage de faux», «abus de confiance» et «tentative d'escroquerie», cette fois sur le financement de la campagne de 2012 de Nicolas Sarkozy. Ses réunions semblent avoir été en grande partie financées par l'UMP afin de masquer un dépassement du plafond autorisé.

Les policiers s'interrogent également sur la régularité des contrats conclus entre l'Élysée et neuf instituts de sondage sous le quinquennat Sarkozy.