La justice a décidé mercredi de maintenir l'inculpation de l'infante Cristina, la soeur du nouveau roi d'Espagne Felipe VI, dans un vaste scandale de corruption, ouvrant la voie à un procès inédit dans l'histoire du pays.

Le juge José Castro, du tribunal de Palma de Majorque aux Baléares, qui a clos son enquête mercredi, a maintenu l'inculpation de Cristina pour «deux délits présumés contre le Trésor public et un pour blanchiment de capitaux».

Le juge justifie le maintien de l'inculpation de l'infante, qu'il avait prononcée en janvier, par le fait que les délits de fraude fiscale dont il soupçonne Iñaki Urdangarin «auraient difficilement pu être commis, sans, au moins, la connaissance et l'accord de son épouse, même si, face à l'extérieur, elle gardait l'attitude propre à ceux qui regardent ailleurs».

Dans sa décision de 167 pages rendue publique, il a également conclu que devait rester inculpé l'époux de Cristina, Iñaki Urdangarin, soupçonné de corruption, notamment pour «fraude, escroquerie, trafic d'influence».

L'avocat de l'infante et le parquet anticorruption ont annoncé qu'ils feraient appel.

Au total, une quinzaine de personnes sont désormais inculpées dans ce dossier.

En revanche, le juge a accordé «le non-lieu provisoire, entre autres, pour Carlos Garcia Revenga», secrétaire particulier et homme de confiance des deux soeurs de Felipe VI, Cristina et sa soeur aînée Elena.

Cet éminent conseiller, l'un des seuls à tutoyer les infantes, avait dû s'expliquer sur son rôle dans l'institut Noos, une société de mécénat présidée par Iñaki Urdangarin de septembre 2003 (bien : 2003) à mars 2006 et que le juge soupçonne d'avoir permis le détournement de quelque 6 millions d'euros (environ 8,75 millions de dollars) de fonds publics.

Le juge Castro estime également, s'appuyant sur un rapport du fisc, que la société Aizoon, partagée à parts égales entre Cristina de Bourbon et Iñaki Urdangarin, a servi de «société-écran» au couple pour détourner des fonds provenant de Noos à des fins de dépenses personnelles.

Pour le magistrat, il y a «une énorme quantité de factures d'achats, services et dépenses exclusivement privées du couple Urdangarin/Bourbon qui, toutefois, a été imputée à la comptabilité d'Aizoon».

Voyage en famille à Rio de Janeiro pour environ 5000 euros (7300 $), achat d'un plat de quelque 1700 euros (2480 $), ou encore d'un tableau de 4400 euros (environ 6400 $), le juge en détaille une longue liste.

Une fois épuisés les recours, la décision finale de renvoyer ou non l'infante en procès sera prise par le tribunal provincial, une instance supérieure.

S'il devait avoir lieu, ce procès aurait des conséquences imprévisibles pour l'image de Felipe VI, devenu roi d'Espagne le 19 juin et qui a promis de suivre une conduite «honnête et transparente».

Depuis deux ans et demi, Cristina et son mari sont écartés des activités officielles de la famille royale, se retrouvant au coeur de ce scandale qui a contribué à faire plonger la popularité de la couronne d'Espagne, jusqu'au coup de théâtre le plus spectaculaire : l'annonce le 2 juin, par le roi Juan Carlos, de son abdication.

Le roi qui a assis sa popularité sur la conduite de la transition démocratique après la fin de la dictature de Franco (1939-1975) s'est également retrouvé affaibli par d'autres scandales comme une partie de chasse en 2012 au Botswana et par des ennuis de santé à répétition.

Malgré les tentatives de la Maison royale d'atténuer le choc, Cristina et sa famille ont été les grands absents de la cérémonie d'intronisation de Felipe VI.