Le procès en appel du Rubygate dans lequel Silvio Berlusconi est accusé de prostitution de mineure et abus de pouvoir s'est ouvert vendredi à Milan, en l'absence de l'ex-chef du gouvernement et dans une certaine indifférence des médias.

Seules quelques caméras étaient présentes, car la venue du magnat était exclue. Comme presque tous les vendredis depuis le 9 mai, il se trouvait au centre pour malades d'Alzheimer de Cesano Boscone, près de Milan, où il effectue une demi-journée hebdomadaire de travail d'intérêt général (TIG) pour purger une peine d'un an de prison pour fraude fiscale (procès Mediaset).

La première audience devait être consacrée à des questions de procédure (accès des télévisions, calendrier des audiences).

L'ex-Cavaliere, sans immunité parlementaire et en phase de déclin politique depuis son exclusion du Sénat à l'automne 2013, est défendu en appel par les professeurs Franco Coppi et Filippo Dinacci, qui remplacent ses avocats historiques Niccolo Ghedini et Piero Longo, objets d'une enquête du parquet qui les soupçonne d'avoir corrompu les témoins du procès en première instance.

Le Rubygate première mouture s'était terminé par une condamnation en juin 2013 à sept ans de prison pour M. Berlusconi, 77 ans, et une interdiction à vie de mandat public.

Il a été reconnu coupable d'avoir payé pour des rapports intimes avec «Ruby la voleuse de coeurs», la Marocaine Karima El-Mahgroub, quand elle était mineure, et pour avoir fait pression sur la préfecture de Milan afin qu'elle soit relâchée après un larcin.

Selon les conclusions des juges, l'ex-Cavaliere a bien eu des relations sexuelles avec Ruby qui n'avait alors que 17 ans en échange de «très importantes sommes d'argent et d'autres cadeaux».

Le magnat de la télévision était en outre au courant du fait qu'elle était mineure et son intervention sur la police milanaise visait, selon les juges, non pas à éviter un incident diplomatique parce qu'il pensait qu'elle était la petite-fille du président égyptien Hosni Moubarak, comme il le prétendait, mais à cacher leur relation illicite.

Selon la presse italienne, le verdict d'appel pourrait déjà être prononcé dès la fin juillet ou en septembre. En cas de confirmation de sa culpabilité, M. Berlusconi ira certainement en Cassation, une procédure qui prendra encore plusieurs mois.

Si en fin de course, les sept ans de condamnation étaient maintenus, l'ex-premier ministre perdrait automatiquement le bénéfice des TIG et d'une amnistie de trois ans dans le procès Mediaset, ce qui l'amènerait à devoir purger 11 ans de prison, vraisemblablement sous forme d'assignation à domicile.

Les ennuis judiciaires du magnat semblent sans fin : il est actuellement jugé à Naples pour corruption de sénateur, visé par l'enquête sur la corruption de témoins dans le Rubygate (Ruby Ter) et risque un autre procès dans l'enquête «Escort» à Bari pour avoir payé un entrepreneur afin de l'empêcher de révéler à la magistrature qu'il savait que les jeunes filles qui fréquentaient ses soirées étaient en majorité des prostituées.

En première instance, le Rubygate avait donné lieu à un défilé de jeunes femmes surnommées les «Olgettine» du nom de la résidence milanaise où elles étaient logées aux frais de l'ex-Cavaliere, qui avaient raconté les fêtes dans la villa de M. Berlusconi à Arcore, près de Milan.

La plupart d'entre elles avaient décrit des dîners élégants et tranquilles, en contradiction flagrante avec ce qui ressortaient des écoutes de leurs téléphones portables et d'autres témoignages de jeunes femmes parlant de dîners obscènes ponctués de déguisements salaces, de scènes de lapdance et de striptease, et de passages dans la chambre à coucher de M. Berlusconi.

Dans une interview au Giornale (propriété de la famille Berlusconi), Ruby a répété sa version selon laquelle elle n'a jamais eu de relations intimes avec le magnat : «Berlusconi a été condamné pour rien». «Je suis au milieu d'une machine de guerre, de gens qui ne veulent pas savoir la vérité, mais poursuivent un objectif», abattre politiquement Silvio Berlusconi, a-t-elle dit.

Désormais casée avec un ex-gérant de discothèque et mère d'une petite fille, l'ex-aspirante starlette a nié à nouveau avoir reçu 5 millions d'euros (près de 7,4 millions de dollars) comme compensation pour les services rendus à M. Berlusconi comme elle s'en vantait dans des écoutes téléphoniques, affirmant avoir «inventé des tas de bêtises pour se faire bien voir» de ses amies de l'époque.