Les marines italienne, maltaise et américaine sont engagées depuis plusieurs jours dans une vaste opération de sauvetage de centaines de migrants affluant des côtes libyennes, des arrivées incessantes qui ont suscité dimanche un concert de récriminations en Italie.

Des bâtiments militaires mais également des navires marchands ont été sollicités pour surveiller l'approche de 25 embarcations chargées de migrants partis de Libye.

Selon Malte, l'opération conjointe est l'«une des plus importantes organisées ces dernières années».

En raison d'une météo favorable, des milliers d'immigrés et réfugiés - Syriens, Érythréens, habitants pauvres d'Afrique subsaharienne - ont déjà débarqué ou s'apprêtent à arriver sur les côtes italiennes, essentiellement dans des ports siciliens submergés.

La marine italienne a indiqué que 2000 migrants ont été secourus entre samedi et dimanche dans le cadre de l'opération italienne Mare Nostrum. Sur ce total, 1335 dont des Afghans, des Syriens, des Algériens, Somaliens et Soudanais, qui auraient dû être débarqués à Catane ont été redirigés vers Taranto dans les Pouilles où ils devraient arriver lundi.

Pour sa part, la marine américaine a annoncé avoir secouru il y a deux jours 282 personnes en détresse à bord de six embarcations dont une menaçait de couler. Les migrants d'abord embarqués sur le navire d'assaut amphibie USS Bataan ont été ensuite remis aux forces maltaises.

Un bateau maltais participant aux opérations appelé Norient Star est arrivé à Pozzallo avec 102 personnes à bord, mais aussi les cadavres de trois hommes qui se sont noyés pendant leur transfert depuis leur embarcation de fortune.

Le maire de ce port sicilien où sont arrivés plus de 500 immigrés en 24 heures, Luigi Ammatuna, a dit au journal La Stampa avoir peur que la situation devienne «ingérable», faisant état de premières annulations de réservations touristiques.

Le président de la fédération des maires italiens Piero Fassino a réclamé «une rencontre urgente» avec le ministre de l'Intérieur Angelino Alfano.

Des milliers de migrants ont trouvé la mort ces dernières années en tentant de traverser la Méditerranée. C'est après deux naufrages dramatiques que Rome avait décidé à l'automne l'opération Mare Nostrum.

Selon Rome, plus de 50 000 migrants ont débarqué depuis le début de l'année en Italie, autant que sur toute l'année passée. Ils ont été 2200 à arriver à Malte, selon La Valette.

Gil Arias Fernandez, directeur adjoint de Frontex, agence européenne chargée de la surveillance des frontières extérieures de l'UE, a reconnu récemment que, depuis la région de Tripoli, «le mouvement va se poursuivre car plusieurs centaines de milliers de migrants sont arrivés dans le pays et veulent le quitter en raison de l'insécurité».

Selon le ministre de l'Intérieur italien, Angelino Alfano, 400 000 à 600 000 migrants seraient prêts à partir de Libye.

«L'insensibilité de l'Europe»

Le premier ministre maltais, Joseph Muscat, dans un tweet, a fustigé l'Union européenne: «L'Europe est totalement absente», alors que les marines maltaise et italienne «accomplissent un travail optimal».

En Sicile, le maire de Palerme, Leoluca Orlando, a pointé du doigt «l'insensibilité de l'Europe», tandis que celui de Catane, Enzo Bianco, a invité le gouvernement de Matteo Renzi à décréter «l'état d'urgence».

Le président des maires d'Italie, Piero Fassino, a appelé le ministre de l'Intérieur à organiser rapidement une réunion face à une situation «aux proportions dramatiques et insoutenables».

Interrogé par l'AFP, Michele Cercone, porte-parole de la commissaire européenne aux Affaires intérieures Cecilia Malmström, a garanti un «plein soutien de la Commission avec tous les moyens disponibles». Il a précisé que l'Italie et Malte sont déjà «les principaux bénéficiaires des fonds UE pour la surveillance des frontières», précisant que «des mesures d'urgence» ont été prises dont l'octroi à l'Italie de 30 millions d'euros en plus pour notamment financer Mare Nostrum.

«Nous sommes prêts à discuter d'ultérieures mesures de soutien», a souligné M. Cercone.

«Quant à la solidarité des autres États membres dans des domaines de compétence nationale, nous sommes d'accord que ceux qui ne sont pas confrontés à une forte pression migratoire et d'asile doivent et peuvent faire beaucoup plus», a admis M. Cercone.

En mai, après un naufrage près des côtes libyennes, Matteo Renzi avait lancé de fortes accusations contre Bruxelles: «l'Europe nous laisse seuls. Il n'est pas possible de sauver des États, des banques, puis de laisser mourir des mères avec leurs enfants», avait-il dit.