Les autorités belges ont lancé un appel à la population pour retrouver l'homme qui a tué samedi de sang-froid quatre personnes dans le Musée juif de Bruxelles, une attaque qui fait resurgir le spectre de l'antisémitisme en Europe.

La police a mis en ligne dimanche trois extraits de vidéos de caméras de surveillance sur lesquels on voit l'inconnu s'approcher du Musée, y entrer et tirer à plusieurs reprises avec une kalachnikov sortie d'un sac noir. Le tout en moins de deux minutes.

>>> Les vidéos diffusées par la police

L'homme «est de corpulence moyenne, athlétique et se déplace souplement», souligne l'avis diffusé sur le site de la police fédérale.

«La priorité des priorités est de retrouver cet homme. On doit l'arrêter et l'empêcher de sévir», a déclaré la ministre de l'Intérieur, Joëlle Milquet. «Il faut rassurer les personnes de la communauté juive», a-t-elle ajouté, après avoir renforcé au niveau 4, le plus élevé, la sécurité des synagogues, des écoles et des centres culturels juifs.

L'attaque survenue samedi peu avant 16 h (10 h au Québec) a fait dimanche un quatrième mort, le jeune réceptionniste du musée qui avait été hospitalisé dans un état très grave. Le décès de cet homme de 24 ans s'ajoute à ceux d'un couple de touristes israéliens originaire de Tel-Aviv et d'une Française de 67 ans, employée comme bénévole au musée.

Inédite dans l'histoire récente de la Belgique, cette fusillade a suscité une condamnation unanime dans le pays, où elle a «assombri» la journée électorale selon le premier ministre Elio Di Rupo. Elle «est dans la tête de tous les citoyens», qui ont voté pour un triple scrutin législatif, régional et européen.

À l'étranger, le pape François a exprimé son «profond chagrin» à l'occasion de sa visite en Israël, où la classe politique a vivement réagi. Le premier ministre, Benyamin Nétanyahou, a affirmé que cette attaque était le résultat de «l'incitation à la haine permanente» contre les Juifs et contre Israël. Le «caractère antisémite» de l'attaque «ne fait pas de doute», a assuré le président français François Hollande.

Une nouvelle affaire Merah?

La justice belge a prôné la prudence, précisant ne pas être en mesure de confirmer qu'il s'agissait d'un «acte terroriste ou antisémite», selon la porte-parole du parquet fédéral.

Le Congrès juif européen a rappelé que la fusillade s'était produite deux ans après l'affaire «Mohamed Merah», du nom de ce Franco-Algérien qui avait tué quatre Juifs, dont trois enfants, et trois militaires dans le sud-ouest de la France en 2012. «Deux ans après les meurtres sauvages de Toulouse, il s'agit à nouveau d'un exemple de ce à quoi mènent la haine et l'antisémitisme», a-t-il estimé.

Paris a annoncé dimanche un renforcement de la protection des lieux juifs en France, où deux hommes ont été agressés samedi soir à la sortie de la synagogue de Créteil, en banlieue parisienne.

Des rassemblements ont réuni plusieurs centaines de personnes dimanche en fin de journée à Bruxelles et à Paris pour rendre hommage aux victimes et crier leur colère. «Les juifs quittent l'Europe pour aller en Israël ou aux États-Unis ou ailleurs», a déclaré Serge Klarsfeld, le président de l'Association des Fils et Filles des Déportés Juifs de France.

Se recueillant devant les portes fermées du Musée à Bruxelles, Colette Gradom, 66 ans, a déclaré que si la piste antisémite se confirmait, «la montée de l'antisémitisme, qu'il vienne d'extrême droite ou des extrémistes musulmans» serait «terriblement dangereuse».

La communauté juive de Belgique, forte d'environ 40 000 personnes, vivait ces dernières années dans un climat relativement serein, aucun attentat à caractère antisémite n'ayant été recensé dans le royaume depuis les années 1980.

Le musée, qui se veut un lieu ouvert à tous, ne bénéficiait pas d'une protection particulière. Les responsables de la communauté juive n'avaient fait état d'aucune menace.

PHOTO FOURNIE PAR LA POLICE BELGE