Le Front national (extrême droite) a provoqué dimanche un séisme en France en arrivant en tête du scrutin européen, bouleversant le paysage politique et laissant augurer des lendemains difficiles pour les socialistes au pouvoir et l'opposition de droite UMP.

Si la progression du FN était attendue, son score est historique: 25% selon les estimations, largement devant l'UMP, alors que les socialistes subissent une nouvelle déroute.

«Ce qui est important c'est non seulement le score, mais l'écart. Je retiens davantage l'écart, qui montre le rapport de forces», notait le chercheur spécialiste de l'extrême droite Jean-Yves Camus.

Le Front national quadruple son score de 2009, distançant nettement l'UMP (20 à 21%), selon les estimations concordantes de cinq instituts de sondages. Bon troisième, le PS n'obtiendrait que 14 à 15% des voix.

La présidente du FN, Marine Le Pen, a aussitôt appelé le président socialiste François Hollande à «des nouvelles élections» nationales et à un changement de scrutin.

«Que peut-il faire à part en revenir précisément au peuple, mettre en place la proportionnelle pour que chaque Français soit représenté» à l'Assemblée nationale «et organiser des nouvelles élections ?», a-t-elle demandé.

Le FN n'a aujourd'hui que deux députés à l'Assemblée et les prochaines législatives sont prévues en 2017.

La présidence française a fait savoir que les leçons seront «tirées» de cet évènement majeur. François Hollande devait réunir lundi matin le chef du gouvernement Manuel Valls et plusieurs ministres.

Le Premier ministre a reconnu que les élections européennes avaient provoqué «un choc, un séisme», tout en réitérant que «la France doit se réformer» et qu'il faut «aller plus vite».

Le FN a bénéficié de l'impopularité record du pouvoir socialiste mais aussi de la division et du discrédit de l'opposition de droite, dans un type de scrutin qualifié d'«élection-défouloir» par les politologues.

La France continue de subir d'importantes difficultés économiques, se traduisant par un chiffre record du chômage (plus de 3,3 millions de personnes).

Le résultat du scrutin européen traduit aussi la montée de l'euroscepticisme chez les Français, de plus en plus méfiants à l'égard de l'Europe, neuf ans après avoir dit «non» au traité constitutionnel européen.

2017 en ligne de mire

En 2009, alors que le conservateur Nicolas Sarkozy était président, son parti UMP était arrivé très largement en tête du scrutin européen avec 27,8%, loin devant le parti socialiste (16,48%) et les écologistes qui avaient fait une poussée remarquée (16,28%). Le FN n'avait obtenu que 6,3% des voix.

Près de 46 millions d'électeurs étaient appelés dimanche à désigner les 74 députés français au Parlement européen, qui compte au total 751 membres, mais le scrutin, après une campagne fantomatique, a été marqué par une forte abstention, autour de 58% selon les estimations.

Avec ce succès inédit, Marine Le Pen, 45 ans, prend date pour la présidentielle de 2017, d'autant plus que l'UMP est en proie à d'importantes difficultés, avec un scandale de conventions fictives, facturées à prix d'or: une réunion de son bureau politique mardi matin pourrait voir la chute de son patron Jean-François Copé.

Dimanche soir, ce dernier a reconnu «une grande déception» pour sa famille politique.

L'UMP a été «atteinte dans sa crédibilité», a lancé cinglant son principal rival au sein du parti, l'ex-Premier ministre François Fillon.

Sur le plan européen, Marine Le Pen souhaite former une coalition populiste avec les Autrichiens du FPÖ, les Belges du Vlaams Belang et les Néerlandais du parti de Geert Wilders.

Alors qu'il n'avait que 3 élus, le FN obtiendrait de 22 à 25 sièges au Parlement européen, soit un tiers des députés français, l'UMP de 18 à 21 et le PS de 13 à 15, selon les estimations.

La conquête de onze mairies lors d'élections municipales en mars avait déjà marqué un succès dans la stratégie de dédiabolisation du parti d'extrême droite.

A gauche, la nouvelle déroute des socialistes, après celle aux municipales, complique la tâche du président Hollande, toujours aussi impopulaire - 82% de Français se disent mécontents de son action.

Pour lui, «c'est bien sûr une défaite personnelle. Mais on voit que la défaite est plus générale car la popularité supérieure de Valls n'a pas permis de l'éviter», note Jérôme Fourquet, de l'institut de sondage Ifop.

Les écologistes, qui ont quitté le gouvernement, récoltent moins de 10% des voix, bien loin de leur score de 2009 (16,28%), au coude à coude avec les centristes.