La commission d'experts constituée par le pape François a annoncé samedi vouloir aider à établir des «procédures efficaces» dans l'Église catholique pour que les prêtres pédophiles soient punis, mais sans proposer de moyens juridiques contraignants.

«Nous avons adopté le principe que le bien d'un enfant ou d'un adulte vulnérable doit être prioritaire dès qu'une décision doit être prise» dans l'Église, ont indiqué dans un communiqué les huit experts de la nouvelle commission, réunis de jeudi à samedi au Vatican, dont le cardinal américain Sean O'Malley, archevêque de Boston, et l'ancienne victime irlandaise Marie Collins.

«Assurer que les coupables répondent de leurs crimes est spécialement important, y compris en développant des moyens permettant des protocoles et des procédures transparents et effectifs», ont-ils ajouté.

Il ne devra y avoir aucune tolérance aussi bien «pour ceux qui commettent les crimes» que pour ceux «qui se montrent négligents» face à eux, a assuré le président de la commission, le cardinal O'Malley.

Il faut des «procédures claires» pour que les coupables, à tous les niveaux, «répondent de leurs actes», a-t-il dit.

En réponse aux questions des journalistes, il n'a pas détaillé comment les prêtres coupables et ceux qui les protègent pourraient être déférés plus efficacement devant la justice. Ceci a été le principal reproche fait par le comité des droits de l'enfant de l'ONU au Vatican, lors d'une audition en janvier.

Cette première réunion de la commission constituée en mars a beaucoup insisté sur l'éducation du clergé, alors que le sujet est encore ignoré dans certaines régions du monde.

Interrogé sur des «résistances» dans la Curie et la hiérarchie de l'Église, Mgr O'Malley a affirmé «n'en avoir pas personnellement expérimenté». «Mais certains disent: "c'est un problème irlandais ou américain". Or nous devons faire face au problème partout dans le monde. Il y a encore tant d'ignorance, tant de dénis».

Mme Collins, qui avait été abusée sexuellement dans sa jeunesse par un prêtre, a souligné avoir «une perception très positive» des travaux. Mais malgré «des progrès», notamment en Irlande, elle a critiqué «certains évêques» qui jugent que le scandale ne concerne pas leurs diocèses.

Étant donné la variété des situations, la commission va être élargie pour inclure des personnes d'autres zones géographiques et d'autres secteurs d'expertise. Des statuts seront aussi proposés au pape, qui devra les valider. Une collaboration régulière sera instaurée avec plusieurs organes du Vatican, y compris la Gendarmerie.

Mgr O'Malley a précisé que les experts sont chargés d'élaborer des instruments et de donner des conseils au pape, mais pas «de suivre des cas individuels» de tel prêtre ou évêque délinquant.

Éducation, formation, conscientisation sont les accents de cette commission: «Nous prévoyons de faire des propositions spécifiques (...) pour encourager la prise de conscience de tous (...) quant aux conséquences dévastatrices du refus d'écouter, du fait de ne pas relayer les soupçons et de faillir dans le soutien aux victimes», a indiqué le communiqué final.

Dans une interview au quotidien catholique italien Avvenire, Mgr Silvano Tomasi, nonce (ambassadeur) du Saint-Siège auprès des Nations Unies, a estimé à «plus de 700 prêtres coupables d'abus sexuels sur des mineurs qui ont été réduits à l'état laïc depuis 2004 directement par le Saint-Siège».

Le Vatican s'inquiète d'être cloué à nouveau au pilori devant un comité de l'ONU contre la torture, les 5/6 mai, quatre mois après avoir été mis en cause par le Comité pour les droits de l'enfant.

En janvier, des experts avaient accusé le Vatican de garder confidentielles les enquêtes ecclésiastiques et de ne pas imposer partout des mécanismes assurant une obligation de traduire les coupables devant la justice civile. Le Vatican avait dénoncé une vision biaisée de certaines ONG hostiles à l'Église.

Sont membres de la commission la pédopsychiatre française Catherine Bonnet, la psychiatre britannique Sheila Hollins, l'ancienne chef du gouvernement polonais Hanna Suchocka, l'avocat italien Claudio Papale, le théologien argentin Miguel Yáñez et le père Hans Zollner, jésuite allemand psychothérapeute, organisateur en 2012 d'un symposium inédit regroupant des évêques du monde entier sur ce sujet.

Beaucoup d'experts s'inquiètent que de nombreux abus continuent à avoir lieu en Asie, en Afrique et en Amérique latine, alors que la prise de conscience du problème y est plus faible.

En avril, le pape François avait «demandé pardon» pour les crimes pédophiles et souhaité des sanctions «très sévères».

Des organisations d'anciennes victimes avaient été irritées par une déclaration précédente de François, qui avait affirmé que l'Église «était peut-être l'unique institution publique à avoir réagi avec transparence et responsabilité».