François a fait saints dimanche les deux papes les plus emblématiques de l'après-guerre, Jean XXIII et Jean-Paul II, «deux hommes courageux», devant une foule de fidèles enthousiastes massés place Saint-Pierre.

«Nous déclarons et définissons saints les bienheureux Jean XXIII et Jean-Paul II», a dit solennellement le pape argentin, sous les portraits d'Angelo Roncalli et Karol Wojtyla, déroulés sur la façade de la basilique.

La formule, prononcée en latin, a été acclamée par la foule tandis que les cloches sonnaient à toute volée dans les églises de Rome.

Maria Cardoza une Péruvienne sanglote d'émotion: «Jean-Paul II a protégé mes enfants».

Dans son homélie, François a rendu hommage à «deux hommes courageux», porteurs d'une «espérance vivante», qui «ont connu des tragédies, mais n'en ont pas été écrasés».

Pour le pape argentin, les deux nouveaux saints ont aidé à «restaurer et actualiser l'Église selon sa physionomie d'origine», avec le Concile Vatican II qui s'est tenu de 1962 à 1965 et avait été convoqué par le pape italien.

Plus tard au moment de la prière du Regina Caeli, il a affirmé que les deux papes avaient «contribué de manière indélébile au développement des hommes et à la paix».

Il a aussi défini Karol Wojtyla comme le «pape de la famille» qui doit accompagner l'Église dans la défense de cette institution pour lui prioritaire.

Première absolue dans les 2000 ans d'histoire de l'Église catholique, cette double canonisation a lieu en présence de deux papes, François et son prédécesseur Benoît XVI. Sur les 266 papes qui ont dirigé l'Église depuis 2000 ans, environ 80 ont été canonisés.

Le pape à la retraite, coiffé d'une mitre, et qui semblait en bonne forme, avait pris place à gauche de l'autel, afin de ne pas créer de confusion avec le pape régnant.

Au début de la cérémonie, François lui a donné l'accolade et il lui a serré chaleureusement les deux mains à la fin.

L'arrivée de Benoît XVI, ancien bras droit de Jean-Paul II, a été acclamée par une foule en bonne partie polonaise.

Dimanche des quatre papes 

«Deux papes saints au ciel, deux papes sur la place Saint-Pierre», lisait-on sur une banderole brandie par un fidèle.

À l'issue de la cérémonie, 98 délégations d'États ou d'organisations internationales, dont 24 chefs d'État et têtes couronnées - du roi et de la reine d'Espagne au président zimbabwéen contesté Robert Mugabe - ont défilé pour saluer le pape François. Quelques-uns se sont même enhardis à faire un «selfie» avec Jorge Bergoglio.

Puis le pape argentin a parcouru en voiture blanche découverte la place Saint-Pierre et la via della Conciliazione, acclamé par des fidèles jeunes et vieux qui lui ont lancé quelques drapeaux ou T-shirts. Exception faite de deux bébés, il ne s'est pas arrêté pour embrasser des gens, se contentant de les bénir ou de leur faire signe de loin, lors de ce bain de foule plus bref qu'à l'accoutumée.

Selon le Vatican, 800 000 personnes ont assisté à la cérémonie, dont un demi-million massées autour de la place Saint-Pierre. Les autres s'étaient rassemblés devant 17 écrans géants installés dans des endroits emblématiques (Colisée, Forum romain, place Farnese...).

«Nous avons essayé d'aller au Vatican, mais impossible, nous regardons sur grand écran à la place», confie Cristian, 15 ans, jeune scout de Calabre.

Pour ce «dimanche des quatre papes», la Place St Pierre était archi-comble, avec aux premiers rangs un carré blanc de 6 000 prêtres en chasuble.

Nombre de fidèles avaient passé la nuit dans des sacs de couchage posés à même le sol, ou participé à des veillées de prières.

«Je suis très fatiguée, mais je suis très excitée. Pour le Mexique Jean-Paul II représente l'amour, la loyauté envers Dieu», explique à l'AFP, Maria, une Mexicaine de 20 ans.

Luigi Villa, 77 ans, venu avec le groupe de Sotto il Monte, village natal de Jean XXIII, près de Bergame (nord-ouest) est aussi tout sourire: «cela fait quatre jours que je dors trois heures pour être là, pour voir ça!»

La canonisation de Jean XXIII, initiateur de Vatican II (1962-1965) qui marqua l'ouverture de l'Église au monde moderne, ne semble critiquée par personne, à part les traditionalistes.

Jean-Paul II reste le pape le plus populaire de tous les temps. Mais, même si nul ne conteste sa stature internationale, il a ses détracteurs qui lui reprochent notamment un aveuglement face aux crimes pédophiles et sa sévérité avec les théologiens dissidents.

Après l'élection historique du pape argentin, depuis 13 mois à la tête d'une Église de 1,2 milliard de baptisés, cette double canonisation est perçue comme un événement pouvant contribuer à dissiper le souvenir d'années marquées par des scandales, notamment la pédophilie, et réconcilier deux sensibilités différentes de l'Église incarnées par ces deux papes.