Le nouveau premier ministre socialiste Manuel Valls a mécontenté sa gauche en annonçant mercredi un gel des prestations sociales et des salaires des fonctionnaires pour réduire le déficit public de la France comme il s'y est engagé auprès de Bruxelles.

Le programme de 50 milliards d'euros (près de 76 milliards de dollars) d'économies d'ici 2017, qu'il est venu lui-même présenter devant la presse à l'issue d'un conseil des ministres, a reçu un accueil glacial chez une partie des députés socialistes, déjà furieux qu'il n'ait même pas essayé de renégocier auprès des instances européennes l'objectif de réduction du déficit à 3 % du PIB.

Les mesures annoncées sont «inacceptables en l'état sur le fond comme sur la forme», a réagi Christian Paul, un député de la gauche du PS.

Prestations sociales non revalorisées, maintien du gel des salaires des fonctionnaires, report de mesures contre l'exclusion : Manuel Valls, arrivé le 31 mars à la tête d'un gouvernement «de combat», a tenu à annoncer lui-même ces mesures douloureuses destinées à «casser la logique de la dette qui progressivement, sournoisement, est en train de nous lier les mains».

«Nous devons retrouver notre souveraineté», a-t-il martelé, après avoir rappelé que la dette, qui représentait 50 % du PIB en 2002, était montée à 90 % en 2012, à la fin du mandat de l'ancien président de droite Nicolas Sarkozy.

«La France tiendra ses engagements» vis-à-vis de Bruxelles de réduire son déficit public à 3 % du PIB en 2015, contre 4,3 % en 2013, a-t-il aussi affirmé.

Après le désaveu subi par la gauche aux élections municipales des 23 et 30 mars, l'exécutif avait laissé entendre qu'il allait revoir le «rythme» de réduction du déficit pour se donner un peu d'oxygène. Mais anticipant un refus de Bruxelles, Manuel Valls et son ministre des Finances Michel Sapin ont finalement renoncé à aborder le sujet.

Et le «programme de stabilité» de la France fondé sur les mesures d'économies annoncées mercredi sera présenté début mai à Bruxelles, après un vote du Parlement prévu le 30 avril.

Ces économies seront supportées à hauteur de 18 milliards d'euros (27 milliards de dollars) par l'État, 11 milliards (près de 17 milliards de dollars) par les collectivités locales, 10 milliards (plus dew 15 milliards de dollars) par l'assurance maladie et 11 milliards par d'autres dépenses sociales. Soit 21 milliards (près de 32 milliards de dollars), presque la moitié de l'effort, pour la protection sociale.

Parallèlement, un geste fiscal en direction des ménages modestes, à hauteur de 500 millions, interviendra en juin, a annoncé le premier ministre sans plus de précision.

Mauvaise humeur

Par ailleurs, les effectifs des ministères vont être rognés, sauf ceux de l'Éducation (où la promesse présidentielle de créer 60 000 postes supplémentaires est maintenue), de la Police et de la Justice. Des économies seront réalisées dans les dépenses de santé avec un recours plus important aux médicaments génériques et à la chirurgie ambulatoire.

Les collectivités territoriales, sur lesquelles repose une grande part des dépenses publiques, sont invitées pour leur part à faire «des réformes profondes», notamment dans leurs dépenses de fonctionnement.

Si le chef de file des députés socialistes Bruno Le Roux a jugé ce plan d'économies «pleinement conforme aux valeurs de la gauche», plusieurs de ses collègues se sont montrés «atterrés» par les annonces de Manuel Valls.

«Nous n'avons pas été élus pour organiser la perte de pouvoir d'achat des retraités, des fonctionnaires et des salariés qui bénéficient de prestations sociales», a déclaré Christian Paul, disant s'exprimer au nom de 150 députés socialistes.

«Valls fait l'huissier de la Commission européenne. La Commission a dit : "Vous paierez". Valls commence la saisie», a twitté le chef de file du Front de gauche (opposition de gauche).

Alors que certains députés socialistes ont déjà exprimé leur mauvaise humeur devant l'orientation «social-libérale» de Manuel Valls en votant contre sa déclaration de politique générale le 7 avril, ces réactions font craindre à l'exécutif une séance difficile le 30 avril.

Pour tenter de vaincre des réticences, le premier ministre a annoncé qu'il proposerait une «discussion» aux parlementaires pour «trouver les mesures indispensables de baisse d'impôts que nos concitoyens attendent».