Le Parlement espagnol a opposé hier, de prévisible façon, une fin de non-recevoir à la coalition nationaliste au pouvoir en Catalogne, qui souhaite tenir prochainement un référendum sur l'indépendance. Cela n'a pas pour autant réussi à infléchir la détermination de ses dirigeants à aller de l'avant.

Q: Que demandaient les dirigeants catalans?

R: Les partis nationalistes au pouvoir en Catalogne, réunis au sein d'une coalition chapeautée par le président Artus Mas, promettent de tenir un référendum en novembre afin de permettre à la population de cette région autonome prospère de se prononcer sur l'opportunité d'en faire un État en bonne et due forme. La légalité d'une telle consultation est cependant contestée par le gouvernement central du premier ministre Mario Rajoy, qui ne veut rien entendre d'une éventuelle séparation. Il a déclaré qu'il ne pouvait concevoir une «Catalogne hors de l'Espagne et de l'Europe». Le politicien a rejeté du coup l'idée de transférer au gouvernement catalan la responsabilité de la tenue d'un référendum à ce sujet. Son refus a été cautionné par les députés, qui ont voté massivement contre la demande catalane après un débat de plus de sept heures.

Q: Pourquoi la coalition d'Artur Mas a-t-elle décidé de s'adresser au Parlement espagnol?

R: La demande de transfert de compétence survient à la suite d'une décision controversée du Tribunal constitutionnel espagnol, rendue fin mars, sur une déclaration de souveraineté votée par la Catalogne en janvier 2013. La justice espagnole a déclaré «nul et inconstitutionnel» le principe voulant que le peuple catalan ait «un caractère de sujet politique et juridique souverain» tout en reconnaissant cependant qu'il dispose d'un «droit de décider» devant s'exercer au sein de la Constitution. Xavier Arbos, un spécialiste en droit constitutionnel de l'Université de Barcelone, estime que le jugement reconnaît, en clair, au gouvernement central l'autorité de chapeauter un tel référendum mais s'avère beaucoup «moins clair» en ce qui concerne le droit du gouvernement catalan d'orchestrer un tel exercice. De facto, le tribunal a ouvert une «très petite porte» à un dialogue politique que Madrid s'est empressé hier de refermer en écartant tout transfert de responsabilité, légal ou non, note le spécialiste.

Q: Y a-t-il un précédent?

R: Ce n'est pas la première fois que le Parlement espagnol sert une rebuffade aux partisans d'une plus grande autonomie régionale. En 2005, les députés avaient rejeté un projet de réforme poussé par l'ex-président basque Juan José Ibarretxe, qui prévoyait de faire du Pays basque une région «librement associée à l'Espagne». Le gouvernement basque avait proposé quelques années plus tard la tenue d'un référendum sur la question et adopté une loi référendaire qui avait également été désavouée par le Tribunal constitutionnel espagnol. Le Pays basque, tout comme la Catalogne, dispose de compétences étendues dans plusieurs domaines, mais aussi d'une grande autonomie fiscale qu'Artur Mas et ses partisans ont réclamée en vain. Le refus de Madrid à ce sujet a d'ailleurs alimenté la flambée nationaliste observée dans la région autonome.

Q: Qu'est-ce qui risque d'arriver maintenant?

R: Les dirigeants nationalistes catalans ont fait savoir qu'ils ne se laisseraient pas détourner de leur objectif de tenir un référendum par l'opposition du gouvernement central. «Soyez sûrs que le moment est venu que la Catalogne vote et décide de son avenir», a prévenu, à l'ouverture des débats, le représentant de la coalition au pouvoir à Barcelone. Les sondages indiquent que plus de 70% des Catalans veulent pouvoir se prononcer. Selon le constitutionnaliste Xavier Arbos, il est probable qu'Artur Mas et ses partisans tentent de procéder maintenant à l'adoption d'une loi référendaire qui risque, à son tour, d'être invalidée par le Tribunal constitutionnel. Si le référendum finit malgré tout par aller de l'avant, M. Arbos pense que les choses pourraient véritablement se corser avec Madrid. Le gouvernement central, dit le spécialiste, pourrait carrément chercher à placer la région autonome sous tutelle. Il n'exclut pas non plus que des sanctions économiques puissent être utilisées pour faire pression sur les élus catalans, par exemple en freinant le transfert de fonds destinés aux pensions ou à l'assurance-emploi.