La reine Elizabeth II, «gouverneur suprême» de l'Église anglicane, a été reçue jeudi au Vatican pour une brève entrevue cordiale par le pape argentin François, qui lui a offert un présent pour le petit prince George, 32 ans après la guerre des Malouines qui a opposé Buenos Aires et Londres.

François, à l'issue d'une entrevue de 17 minutes, a offert au couple royal un globe en lapis-lazuli, surmonté d'une croix -- un «orbe royal», symbole de la domination du Christ sur le monde--- pour le petit prince George, âgé de huit mois et fils de Kate et de William.

Dans un autre geste symbolique, il a aussi offert le facsimile d'un document papal de 1679 reconnaissant dans l'Eglise tout entière le culte d'un saint britannique, Saint-Edouard le Confesseur, lointain parent de la reine.

La reine et le prince consort lui ont présenté des produits de leurs propriétés royales -miel, confitures, oeufs, cidre, bière, etc. dans un grand panier, accompagné d'une bouteille de jus de pomme et une autre de whisky, le pape François semblant un peu surpris.

La reine est arrivée au Vatican avec 20 minutes de retard, et s'est excusée en expliquant «nous avions un agréable repas avec le président» italien Giorgio Napolitano, a-t-elle confié.

Le pape les a accueillis par un simple «welcome» et a peu parlé pendant la partie publique de l'entretien, en présence d'un groupe de journalistes.

Des deux côtés de la via della Conciliazione, l'avenue qui relie le Tibre à la place Saint-Pierre, une petite foule de badauds et de fidèles a salué le passage de la limousine noire du couple royal. Des «Vive la reine» ont fusé et des dizaines de portables, certains brandis par des prêtres et des religieuses, ont immortalisé l'instant.

La reine, 87 ans, et le prince Philip, 92 ans, ont été reçus sur la petite place Jean Paul II par le secrétaire d'État Pietro Parolin, avant d'entrer dans le studio du pape près de la grande salle Paul VI.

La volonté des deux côtés «était que cette rencontre soit quelque chose d'informel», selon le porte-parole du Vatican, le père Federico Lombardi, en précisant que le studio attenant à la salle Paul VI avait été choisi pour sa facilité d'accès.

L'entrevue a été brève, bien que les sujets délicats ne manquassent pas, notamment sur les évolutions sociétales qui divisent anglicans et catholiques, et les anglicans entre eux (ordination des femmes et mariage homosexuel).

L'Église anglicane - 80 millions de fidèles dans 165 pays - est séparée de Rome depuis le divorce du roi Henry VIII au XVIe siècle. Elle est dirigée par l'archevêque de Canterbury, Justin Welby, mais la reine en est le «gouverneur», même si elle n'a dans les faits aucun pouvoir sur elle.

Le départ vers l'Église catholique de centaines de prêtres anglicans, en désaccord avec les positions jugées trop libérales de leur Église sur les questions de moeurs (mariage, homosexualité), a tendu les relations depuis 2009.

Cependant les relations restent chaleureuses entre François et Justin Welby, et les deux Églises sont proches sur la plupart des sujets. Les cadeaux du pape semblaient vouloir en témoigner.

Le cinquième pape rencontré par la reine

Les thèmes de l'entretien n'ont pas été rendus publics.

Un sujet chaud n'a pas forcément été abordé pendant la rencontre: la sensibilité différente sur la guerre des îles Malouines (Falklands), remportée en 1982 par le Royaume-Uni à l'issue d'une intervention éclair sous le gouvernement de Margaret Thatcher.

Le pape argentin Jorge Bergoglio a parlé dans le passé de ce territoire comme «nos» îles.

Or les habitants de ce que les Britanniques appellent les Falklands, ont voté à une majorité écrasante (99,8%) pour rester un territoire britannique d'outre-mer.

Selon l'ambassadeur britannique au Saint-Siège, Nigel Baker, le Vatican a «toujours prôné une position de neutralité dans cette affaire».

François était le cinquième pape que rencontrait Élisabeth II. Au cours de son long règne, elle s'est déjà rendue deux fois au Vatican, pour voir Jean XXIII en 1961, et Jean Paul II en 1980 et en 2000.

Encore princesse, un an avant de succéder à son père George VI, elle avait rencontré Pie XII en 1951, à une époque où les Anglicans étaient très mal vus au Vatican, et réciproquement.

Quand Benoît XVI s'était rendu en Écosse en 2010, il avait été reçu par Élisabeth.