Des milliers d'étudiants, en grève pour 48 heures, ont manifesté jeudi à Madrid et partout ailleurs en Espagne contre les coupes budgétaires dans l'éducation, une journée ponctuée d'incidents dans plusieurs villes.

En fin d'après-midi, les manifestants étaient plusieurs milliers dans les rues de la capitale. «Nous ne voulons pas payer votre dette avec la santé et l'éducation», scandaient les étudiants, portant des pancartes avec les mots «sans éducation, il n'y a pas d'avenir», ou «l'enseignement public est à tous et pour tous».

Le matin, quelques centaines d'entre eux avaient déjà manifesté bruyamment dans le centre de Madrid.

Comme la veille, des incidents avaient éclaté en début de journée à l'université Complutense de la capitale, des étudiants grévistes ayant mis le feu à des poubelles. La police a annoncé avoir arrêté une personne pour «possession de matériel inflammable».

Les étudiants ont défilé au cri de «Non aux coupes dans l'éducation !», appelant à la démission du ministre de l'Éducation, Jose Ignacio Wert, rendu responsable des réductions de dépenses qui frappent l'enseignement alors que les frais d'inscription augmentent dans les universités.

«Cela me rend triste parce qu'ils ne nous donnent plus l'occasion d'étudier», racontait un manifestant de 18 ans, Karim Martinez. «Ils augmentent les frais et réduisent les bourses. Beaucoup de parents n'ont pas d'argent pour payer l'université».

La police a par ailleurs libéré, dans l'attente de leur comparution devant un juge, 54 personnes interpellées la veille pour avoir incendié des poubelles et occupé des bureaux de la Complutense, une grande université madrilène.

Le Syndicat des étudiants avait appelé jeudi à 70 manifestations en Espagne.

Des défilés étaient organisés dans toutes les grandes villes, dont Barcelone, Valence et  Bilbao, au Pays basque, où trois personnes, selon la police, ont été arrêtées pour «troubles à l'ordre public».

Le secteur de l'éducation, comme celui de la santé, a été violemment touché par le programme d'économies, de 150 milliards d'euros sur trois ans, mis en oeuvre par le gouvernement conservateur depuis 2012 pour redresser les comptes publics de l'Espagne.

«Situation insoutenable»

«La situation est devenue tellement insoutenable que nous n'avons plus d'autre choix que de lutter», lançait Marta Valenzuela, une étudiante en criminologie de 20 ans qui manifestait à Madrid, expliquant que ses frais d'inscription avaient bondi de mille (1535 $CAN) à 1800 euros (2765 $CAN).

«C'est ma famille qui doit payer, et cela suppose de gros sacrifices», ajoutait la jeune fille.

Cette politique d'austérité avait généré en 2012 un climat social très tendu et de grandes manifestations, à l'appel des syndicats, de collectifs professionnels notamment de la Santé et de l'Éducation, ou de mouvements citoyens comme celui des «indignés», né au printemps 2011.

Depuis la fin 2012, cette mobilisation est retombée, malgré une crise sociale qui reste profonde et un chômage à 26,03%.

Jeudi, l'organisation catholique Caritas a de nouveau tiré la sonnette d'alarme, affirmant que 5,1 millions de personnes vivaient dans l'extrême pauvreté l'an dernier en Espagne, contre 2,8 millions en 2007.

Caritas ajoutait que ce pays était un de ceux de l'Union européenne où les disparités en matière de revenus étaient les plus grandes.

Samedi dernier, des dizaines de milliers de personnes ont envahi les rues de Madrid à l'occasion de la plus importante manifestation en un an et demi, protestant contre l'austérité et «l'urgence sociale», à l'arrivée des «marches de la dignité», des colonnes de manifestants parties, pour certaines à pied plusieurs semaines auparavant, de toutes les régions espagnoles.

Des incidents, d'une violence très rare en Espagne, avaient éclaté en fin de manifestation, lorsque les policiers avaient chargé des groupes de jeunes qui les bombardaient de pierres ou jetaient des projectiles dans des vitrines d'agences bancaires.

Les incidents avaient fait 101 blessés légers, policiers et manifestants.

Le ministre de l'Intérieur, Jorge Fernandez Diaz, a reconnu jeudi une «erreur de coordination» des forces de l'ordre pendant ces incidents.