Le président turc Abdullah Gül a déclaré dimanche qu'il pensait que le blocage de Twitter par le gouvernement serait prochainement levé, tandis que le premier ministre Recep Tayyip Erdogan a renouvelé ses attaques contre les réseaux sociaux.

«Je pense que le problème sera bientôt résolu», a confié M. Gül aux journalistes à Ankara, avant son départ pour les Pays-Bas où se tient à partir de lundi une conférence internationale sur la sécurité nucléaire.

«C'est évidemment une situation déplaisante pour un pays développé comme la Turquie qui est un acteur régional de poids, et en négociations avec l'Union européenne. Pour cette raison, ce problème sera surmonté rapidement», a-t-il ajouté.

M. Erdogan a cependant renouvelé ses attaques dimanche contre les réseaux sociaux, Facebook et YouTube, qu'il avait précédemment menacé d'interdire après les élections municipales du 30 mars.

«Ces sociétés appelées Twitter, YouTube, Facebook, elles ont recours à tout, même à des montages», a-t-il déclaré lors d'un rassemblement électoral dans la province de Kocaeli, au nord-ouest du pays.

«Je ne peux pas comprendre comment des personnes intelligentes peuvent encore défendre Facebook, YouTube et Twitter. On y trouve toutes sortes de mensonges», s'est-il indigné.

L'autorité turque des télécommunications avait interdit jeudi soir l'accès à Twitter, après que le premier ministre Recep Tayyip Erdogan eut annoncé sa décision d'éradiquer Twitter, une décision qui lui a attiré l'ire de la communauté internationale.

Cette décision a été très largement perçue comme une tentative du gouvernement de faire taire les accusations de corruption mettant en cause le premier ministre et son proche entourage, avant les élections du 30 mars, aux allures de référendum pour ou contre le chef du gouvernement, au pouvoir depuis 2003.

Le gouvernement Erdogan avait annoncé avoir décidé ce blocage après que le réseau social basé aux États-Unis, qualifié de «biaisé et partial», eut refusé de se conformer à des «centaines de décisions de justice» depuis janvier dernier, sur le retrait des enregistrements de conversations téléphoniques piratées.

«Twitter a été utilisé comme un outil de diffamation systématique en faisant circuler des enregistrements acquis illégalement, des écoutes téléphoniques truquées», avaient indiqué samedi à l'AFP dans une déclaration en langue anglaise, les bureaux du premier ministre Recep Erdogan.

Les enregistrements circulant sur Twitter dévoilent notamment une conversation présumée d'Erdogan avec son fils, où il est question de dissimuler d'importantes sommes d'argent, ainsi que de pressions exercées par le premier ministre sur la justice ou la presse et d'ingérences dans des ventes immobilières.

Erdogan, qui après onze années au pouvoir, est accusé d'autoritarisme croissant, a catégoriquement rejeté ces accusations.

«Autodafé du 21e siècle» 

Douglas Frantz, secrétaire d'État adjoint américain pour les affaires publiques, a qualifié l'interdiction de Twitter, «d'autodafé du 21e siècle», exhortant la Turquie de revoir sa décision controversée.

Loin de brider l'utilisation de Twitter, l'interdiction a provoqué une explosion du nombre de tweets, qui ont augmenté de 138 %, selon une étude réalisée par la société d'analyse des des médias sociaux Brandwatch.

Furieux, les Turcs ont eu recours aux réseaux privés virtuels (VPN) et changé de système de noms de domaines (DNS) pour contourner les restrictions.

Selon le président Abdullah Gül,Twitter a engagé un avocat en Turquie pour négocier avec les autorités.

«Twitter n'avait pas de représentants en Turquie. Il devrait y avoir de bons circuits de communication avec de pareils (...) géants. Ils ont à présent un avocat qui travaille pour eux ici», a-t-il déclaré.

M. Abdullah Gül, qui est un utilisateur régulier des réseaux sociaux, avait dénoncé vendredi sur son compte Twitter le blocage du réseau social par le gouvernement.

Réputé plus modéré, M. Gül a multiplié les prises de distance publiques avec les positions intransigeantes de M. Erdogan.

Le président a déclaré dimanche que ses téléphones étaient peut-être aussi sur écoutes, mais qu'il «n'avait rien à craindre».