Le prédicateur musulman Fethullah Gülen a affirmé que les pressions exercées sur sa confrérie par le pouvoir du premier ministre Recep Tayyip Erdogan étaient bien pires qu'à l'époque des coups d'État militaires en Turquie, dans un entretien publié lundi par Zaman, le journal de son mouvement.

«Ce que nous voyons aujourd'hui est dix fois pire que ce que nous avons dû endurer pendant les coups d'État militaires», a dit le chef du puissant mouvement socio-religieux Hizmet («service» en turc), au coeur de la crise politique actuelle en Turquie.

«Nous sommes confrontés à un même traitement (que celui en vigueur lors des putschs militaires, NDLR) mais cette fois-ci des mains de civils qui partagent la même foi religieuse que nous», a regretté M. Gülen, exilé volontaire aux États-Unis depuis 1999.

Son mouvement a plusieurs fois été poursuivi par la justice après des coups d'État militaires (quatre depuis 1960), surtout après celui de 1980, pour activités anti-laïques notamment.

M. Gülen a aussi vivement dénoncé M. Erdogan, sans le citer nommément, de vouloir blâmer jour et nuit son mouvement, l'accusant de comploter contre lui, avant les élections municipales du 30 mars prochain.

«Je suis évidemment triste au sujet de tout cela (...) Mais cela passera, je suis patient», a-t-il ajouté.

Issu de la même mouvance islamo-conservatrice, le mouvement de M. Gülen a longtemps apporté son soutien au Parti de la justice et du développement (AKP) de M. Erdogan, au pouvoir depuis 2002, notamment en l'aidant à réduire l'influence historique de l'armée sur la vie politique turque.

Mais les deux alliés se livrent désormais une guerre féroce, depuis la révélation mi-décembre d'un scandale de corruption qui éclabousse le gouvernement et a suscité une crise politique.

M. Erdogan accuse la confrérie, «une organisation qui a créé un État dans l'État», selon lui, d'être à l'origine des enquêtes de corruption qui le visent et de vouloir le déstabiliser, ce que nie la confrérie.

Procès en juin

Le procès de 26 personnes, accusées d'être les instigateurs de la vague de manifestations qui ont secoué le gouvernement islamo-conservateur turc l'été dernier, s'ouvrira le 12 juin à Istanbul, un an après les faits, rapporte lundi l'agence Dogan.

Les accusés, parmi lesquels les secrétaires généraux de la chambre des architectes Mucella Yapici et de la chambre des médecins d'Istanbul Ali Cerkezoglu, devront répondre devant une cour d'assises d'accusations d'avoir créé une «organisation criminelle», enfreint les lois sur les manifestations et résisté à des policiers notamment, des peines pouvant aller jusqu'à 29 ans de prison, précise l'agence.

Il s'agira du premier procès concernant les événements qui ont secoué pendant trois semaines en juin toute la Turquie.

Un premier acte d'accusation contre les suspects avait été annulé par des juges pour manque de précisons.

Plus de 300 personnes accusées d'avoir manifesté en juin ont déjà été renvoyées devant des tribunaux stambouliotes, dont 36 pour des faits de «terrorisme».

Le mouvement de contestation qui a visé le premier ministre Recep Tayyip Erdogan a débuté par la mobilisation d'une poignée de militants écologistes hostiles à la destruction annoncée du parc Gezi, un jardin public qui surplombe la fameuse place Taksim d'Istanbul.

Leur évacuation musclée a dégénéré en une vague de manifestations réclamant dans tout le pays la démission de M. Erdogan, accusé de dérive autoritaire et de vouloir «islamiser» la société turque.

La répression de cette fronde, qui a mobilisé 2,5 millions de personnes, selon la police, a fait au moins huit morts, plus de 8000 blessés et des milliers d'arrestations.