Sous l'impulsion de Marine Le Pen, le Front national français poursuit ses efforts pour se «dédiaboliser» aux yeux du public et élargir sa base politique. À cette fin, le parti n'hésite pas à s'en prendre agressivement à ses détracteurs, incluant sur le plan linguistique.

Une singulière illustration de la situation a été donnée la semaine dernière à Paris dans un procès intenté par la chef de la formation contre le dirigeant du Parti de gauche, Jean-Luc Mélenchon.

En entrevue à la télévision en mars 2011, le politicien avait réagi avec exaspération aux conclusions d'un sondage montrant que Marine Le Pen était en tête des intentions de vote pour l'élection présidentielle de 2017.

«Pourquoi voulez-vous que le peuple français soit le seul peuple qui ait envie d'avoir un fasciste à sa tête?», avait-il lancé en s'insurgeant contre la «guignolisation» de la vie politique du pays.

Le recours au terme «fasciste» a été très mal reçu par Marine Le Pen, qui a décidé de poursuivre son adversaire pour injure. Devant le tribunal, Jean-Luc Mélenchon a affirmé que «fasciste» était utilisé de longue date dans les rangs de la gauche pour décrire l'extrême droite. Il a convenu que le terme n'était pas un «compliment» pour le Front national, mais s'est défendu d'avoir voulu injurier la formation et sa dirigeante en recourant à une telle «caractérisation politique».

L'avocat Wallerand de Saint-Just, qui représentait Marine Le Pen, a assuré pour sa part que l'utilisation du terme «fasciste» assimilait le Front national aux nazis et visait clairement à «faire mépriser» la dirigeante frontiste. Le procureur au dossier a penché en faveur de Jean-Luc Mélenchon, plaidant que son intervention n'avait «pas excédé les limites de la liberté d'expression». Le verdict est attendu en avril.

Marine Le Pen n'entend pas s'en tenir là puisqu'elle a déjà fait savoir qu'elle songeait également à s'adresser aux tribunaux pour faire interdire l'usage du terme «extrême droite» relativement à son parti.

Ce qualificatif, qui demeure largement utilisé dans les médias français pour décrire le Front national, amalgame la formation avec des mouvements très variés et vise à la salir injustement, assure-t-elle.

Le spécialiste de l'extrême droite Jean-Yves Camus, cité par Le Monde, affirme que les partis de cette mouvance sont «opposés à toute forme d'institutions supranationales, opposés à la société multiculturelle et à l'immigration» et cherchent à remplacer «la démocratie représentative par la démocratie directe». Pour décrire l'extrême droite, d'autres chercheurs ont défini des critères qui collent «chaque fois» au profil du Front national, selon le quotidien.

Quelle que soit l'étiquette politique appropriée pour les décrire, les thèses du parti gagnent fortement du terrain en France. Un récent sondage indique que 34% de la population les soutient. Un pourcentage équivalent pense qu'il serait approprié que la formation fasse partie du gouvernement.

20%

Pourcentage des voix que pourrait obtenir le Front national lors des élections européennes de mai prochain selon un récent sondage. Le parti n'est devancé dans les intentions de vote que par l'UMP, avec 22% des voix, et supplante le Parti socialiste de 4 points.