La justice française va pouvoir continuer à utiliser les agendas de Nicolas Sarkozy : la Cour de cassation s'est refusée à statuer mardi sur le recours de l'ancien président contre la saisie de ces documents.

La plus haute juridiction française, la Cour de cassation, a jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur cette demande, faite dans le cadre de l'affaire d'abus de faiblesse présumé de la milliardaire Liliane Bettencourt, dans la mesure où l'ancien président français (2007-2012) a bénéficié d'un non-lieu dans ce dossier.

La Cour a ainsi refusé de se prononcer sur le fond, afin de déterminer si ces agendas peuvent être utilisés par la justice ou s'ils doivent être considérés comme insaisissables et inviolables en vertu de la Constitution, dont l'article 67 affirme que le président «n'est pas responsable des actes accomplis en cette qualité».

Mais ces agendas sont susceptibles d'intéresser les juges dans d'autres dossiers à l'instruction, alors que Nicolas Sarkozy est cité dans plusieurs affaires.

La question est ainsi «susceptible de se reposer dans d'autres dossiers où ces agendas auraient pu être communiqués», a déclaré à la presse l'avocat de M. Sarkozy à la Cour de cassation, Me Patrice Spinosi.

«Demain, la Cour de cassation pourrait être ressaisie dans le cadre d'une autre instruction (...) et offrir une réponse qui serait totalement différente de celle» des magistrats de Bordeaux qui ont refusé d'annuler cette saisie.

Les agendas de M. Sarkozy figurent ainsi dans la procédure sur l'arbitrage dont a bénéficié en 2008 l'homme d'affaires Bernard Tapie dans son litige avec la banque française, le Crédit Lyonnais, sur la vente de l'équipementier sportif Adidas.

Dans les mois précédant l'arbitrage, Bernard Tapie, qui a été mis en examen pour escroquerie en bande organisée, a eu plusieurs rendez-vous à la présidence. Les juges cherchent à préciser l'état des relations qu'entretenaient alors MM. Sarkozy et Tapie.

Les agendas de l'ex-président sont aussi susceptibles d'intéresser les juges enquêtant sur des affaires embarrassantes pour l'ancien pouvoir comme les accusations de financement de la campagne de 2007 par l'ancien dirigeant libyen Mouammar Kadhafi.

C'est précisément lors d'écoutes dans ce dossier qu'a été interceptée une conversation entre Nicolas Sarkozy et son avocat, Me Thierry Herzog, qui a donné lieu à l'ouverture d'une information judiciaire pour violation du secret de l'instruction et trafic d'influence.

«espionnage politique»

Ces écoutes de l'ancien chef d'État et de son avocat ont suscité de vives protestations chez les avocats, qui ont dénoncé une «violation du secret professionnel».

Le premier ministre Jean-Marc Ayrault a affirmé mardi que le pouvoir en France connaissait l'existence de ces écoutes depuis le 26 février, date de l'ouverture d'une information judiciaire, mais pas leur contenu.

Mardi soir, le chef de l'UMP (Union pour un mouvement populaire, opposition), Jean-François Copé, a dénoncé «une affaire d'État qui s'apparente à un véritable espionnage politique».

Se posant en «garant» de l'indépendance ce la justice, comme le prévoit la Constitution française, le président François Hollande a estimé qu'il ne lui appartenait pas de «s'immiscer d'une quelconque manière dans une affaire judiciaire en cours», tout en soulignant que «la régularité de ces écoutes peut être contestée le moment venu par un recours» en justice.

Selon une source proche du dossier, lors de la conversation écoutée par la justice, M. Sarkozy et son avocat ont parlé de la possibilité d'approcher un magistrat à la Cour de cassation pour savoir quelle décision pourrait prendre ce mardi la haute juridiction.

La décision de la Cour empêche Nicolas Sarkozy de clarifier sa situation judiciaire avant d'envisager un avenir politique.

Depuis plusieurs mois, Nicolas Sarkozy alimente le suspense sur un éventuel retour sur la scène politique dans la perspective de la prochaine élection présidentielle de 2017.

Officiellement, il assure qu'il n'a pas cette ambition, mais il multiplie dans le même temps les apparitions publiques, les petites phrases, ou laisse parler ses proches sur son probable retour.

Lundi, il était ainsi à Nice (Côte d'Azur) pour l'inauguration d'un établissement médical aux côtés de Bernadette Chirac, épouse de l'ancien président Jacques Chirac, une admiratrice qui se disait en février «profondément sarkozyste». «Nicolas Sarkozy sera candidat, je vous le dis», ajoutait-elle alors en soulignant que son expérience internationale allait «lui servir pour un deuxième mandat».